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in Actualités de la conservation ,
n° 21, septembre-décembre 2003
Suite à une étude comparative des encres d’estampillage de marques Tiflex et Herbin-Sueur menée au laboratoire du CTBnF, le choix de la BnF s’était porté sur les encres Tiflexgrasses noire ou rouge (Actualités de la conservation n° 10, août-décembre 1999). Il s’avère depuis cette étude que la société Tiflex propose une gamme plus étendue de produits. La nature oléagineuse des encres retenues par la BnF les rendant parfois difficiles à manipuler (temps de séchage long, nettoyage difficile), il paraissait intéressant d’étudier également les autres types d’encre d’estampillage proposés par cette société et de vérifier leur comportement sur le long terme et leur compatibilité avec les documents patrimoniaux.
4 familles d’encres ont été analysées :
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Echantillons analysés durant l'étude |
Afin de vérifier le comportement des encres à la température et l’humidité relative élevées, deux types de papiers (coton léger 80 g et poreux ; chimique blanchi de gros grammage 260 g très calandré) ont été estampillés à l’aide d’un timbre cuivre (laiton) puis placés dans une enceinte climatique réglée à 65 % d’humidité relative et 80°C pendant 3 semaines. Après vieillissement, la finesse et la couleur des estampilles ont été comparées. Exception faite des encres non grasses très hydrophiles qui tendent à “baver” et peuvent parfois donner lieu à des empreintes diffuses inesthétiques, l’allure des estampilles est globalement satisfaisante. Les meilleurs résultats ont été obtenus avec les encres grasses. Après vieillissement, on observe une modification très importante de la teinte des estampilles faites à partir des encres rouge et noire des tampons pré-encrés. À la faveur d’une forte hygrométrie, les encres non grasses (et les rouges en particulier) ainsi que celles des tampons pré-encrés diffusent dans l’épaisseur des papiers, y compris de très fort grammage, et peuvent en marquer le verso.
La stabilité des encres à la lumière a été évaluée après exposition de bandes de papier enduites d’encre à un éclairage artificiel (lampe à arc Xénon) pendant 1à 3 jours, durée correspondant à environ 1 mois d’exposition naturelle derrière une vitre de 3 cm.
Après exposition, on observe une décoloration très nette des encres rouges des tampons pré-encrés et non grasses ; l’encre noire des tampons pré-encrés pâlit légèrement. Toutes les autres restent inchangées.
Le test de solubilité a été entrepris dans le but de prévenir toute diffusion intempestive des encres lorsqu’elles sont mises en contact avec de l’eau de manière intentionnelle ou accidentelle (dégât des eaux), avec des solvants alcooliques (éthanol, méthanol) utilisés notamment lors du traitement de désacidification de Sablé, ou avec d’autres solvants organiques polaires tels que l’acétone, l’acétate d’éthyle, la méthyl éthyl cétone ou le tétrahydrofurane utilisés par les ateliers de restauration lors de traitements spécifiques comme l’élimination des rubans adhésifs. Par ailleurs, l’estampille constituant une marque d’appartenance et une protection contre le vol, il est important qu’elle ne s’efface pas trop facilement. Le test de solubilité consiste à apposer un point d’encre sur une feuille de papier, de le laisser sécher une journée puis à l’aide d’une pipette, d’y appliquer une goutte de solvant ou d’eau.Si l’encre est sensible à l’un ou l’autre, il se formera, autour du point initial, une auréole dont la taille sera proportionnelle à l’affinité de l’encre avec le solvant. Comme attendu, les encres non grasses sont très sensibles à l’eau, moins aux alcools et aucunement aux autres solvants organiques ; les encres grasses réagissent de manière totalement opposée.
Les encres des tampons pré-encrés ont une affinité particulière pour les solvants alcooliques et sont modérément solubles dans tous les autres solvants y compris l’eau. Quant à l’encre à séchage rapide, seule l’eau la laisse indifférente.
Dans le but de vérifier la compatibilité des encres avec les documents photographiques argentiques, un test d’activité photographique a été effectué conformément à la norme ISO 14523 : 1999 (pour les détails concernant cette norme, voir le n° 17 des Actualités de la conservation, mai-août 2002). De toutes les encres analysées, seules celles des tampons pré-encrés ont été refusées de manière évidente par le test d’activité photographique. Ces encres émettent des quantités importantes de composés réducteurs qui les rendent impropres à la conservation sur le long terme des documents de bibliothèques.
L’encre grasse rouge tend à provoquer sur les films d’argent colloïdal des taches de décoloration non homogènes ; elle est de ce fait déconseillée pour une utilisation sur les images photographiques argentiques ; on peut néanmoins la tolérer sur les documents graphiques ne présentant pas de caractère patrimonial particulier. À cette encre, on préférera la noire grasse ou la rouge d’oblitération.
À l’issue de toutes ces analyses, il apparaît que les encres grasses comptent parmi les encres les mieux adaptées à la conservation sur le long terme des documents graphiques et photographiques. Celles des tampons pré-encrés remportent le palmarès des encres les moins aptes à la conservation. On retiendra l’encre à séchage rapide noire pour une utilisation sur les supports calandrés ou glacés sur lesquels les encres grasses tardent à sécher. Mais il faudra alors tenir compte de sa grande solubilité dans les solvants organiques polaires.
Thi-phuong Nguyen
Stéphane Bouvet
DSR/DSC/ CTBnF, laboratoire