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in Actualités de la conservation, n° 6, janvier-mars 1998
Un premier article, paru en juillet 1996 dans le numéro 0 des Actualités de la Conservation, avait déjà évoqué les dégradations qu'une partie de la collection Pelliot avait subies suite à un conditionnement inadéquat en diacétate de cellulose.
Le présent article fait le point sur les recherches entreprises depuis et présente les principaux résultats obtenus à partir de l'exploitation de la base de données qui a été réalisée dans le cadre de ce programme, mené en étroite coopération entre la Direction des Services de Conservation (DSC) et la Direction des Collections spécialisées (DCS), Département des manuscrits, division orientale.
Si la majeure partie de la collection Pelliot, constituée essentiellement de rouleaux en chinois et en tibétain, provient de la "grotte murée" du site des grottes des Mille Bouddhas de Dunhuang, une part significative, comptant plus de deux mille documents, est issue de divers sites de l'oasis de Kucha.
Restée fermée pendant près de mille ans, la grotte avait conservé en l'état les manuscrits et peintures qui y avaient été rangés. En revanche bien des documents trouvés enfouis à Kucha ne sont que les restes épars de manuscrits victimes de la destruction volontaire du complexe bouddhique de Duldur-aqur. Le 24 avril 1907, Pelliot note dans son journal de voyage "nous avons trouvé la bibliothèque...[qui] a complètement échappé à l'incendie, mais l'humidité l'a à peu près pourrie".
Ces fragments de papier inscrits en brahmi - qui seront identifiés comme des textes en sanscrit ou en koutchéen - avaient donc séjourné plusieurs siècles dans des " fumiers " et leur état nécessitait qu'ils soient protégés pour être étudiés. C'est ainsi qu'ils furent placés entre deux plaques de verre, des étiquettes de papier portant leur cotation de trouvaille. Beaucoup de ces verres furent brisés à l'occasion du déplacement des collections en province au cours de la Seconde guerre mondiale et leur reconditionnement fut entrepris à partir des années 50, utilisant un "nouveau matériau", le rhodoïd, un diacétate de cellulose dont on pensait alors qu'il satisfaisait aux exigences de la conservation.
Dès le milieu des années 80, des déformations des plaques de Rhodoïd étaient constatées, ainsi que le dégagement d'une odeur d'acide acétique. A partir de ce moment, la collection fut mise "sous surveillance". En juin 1990, il fut décidé de recenser tous les documents concernés et de démonter les 200 peintures et impressions xylographiques provenant de Dunhuang qui avaient été également conditionnées ainsi. Les analyses chimiques réalisées par les Laboratoires Valectra-EDF sur deux documents confirmèrent la présence de composés acides ainsi que celle de plastifiants ayant migré dans les documents (1) (2).
Les fragments de Duldur-aqur posaient des problèmes particuliers de par leur nature, leur nombre (plus de 2 000), leur état "d'origine", la dégradation des rhodoïd très importante pour certains d'entre eux. Les paramètres dont il fallait tenir compte étaient nombreux et parfois contradictoires : impossibilité de laisser plus longtemps "macérer" ces documents dans des produits de décomposition, impossibilité de laisser les documents démontés sans protection et impossibilité de reconditionner des documents sans avoir éliminé les substances nocives qu'ils auraient absorbées, ni sans avoir déterminé quel serait le conditionnement "idéal", mais aussi nécessité de noter tous les éléments d'identification portés sur les étiquettes, ainsi que toutes les particularités physiques jugées pertinentes, dont les dégradations des documents.
Afin d'appréhender tous les paramètres à prendre en compte pour l'élaboration d'un programme de surveillance, de traitement et de reconditionnement, il fut jugé nécessaire de recourir à l'informatique et de constituer une base de données sous Access.
C'est ainsi que la Mission de la Recherche de la Direction du Développement Scientifique et des Réseaux (DDSR) fut sollicitée : elle inscrivit parmi ses programmes de recherche "La Conservation des manuscrits de Dunhuang et d'Asie centrale", attribua des vacations à une restauratrice indépendante, Eléonore Kissel, pour monter une base de données, effectuer les constats d'état et exploiter les données de la base. La mission prêta également un ordinateur portable pour la saisie des données lors de l'établissement des constats d'état.
La collaboration de Marie-Claude Gaspard, informaticienne à la Direction des Systèmes d'Information (DSI), fut essentielle à la bonne organisation des données dans la base.
Simone Breton-Gravereau, chef du Service Restauration de la DSC, mit à la disposition du programme Brigitte Dumont et Annick Lecas, techniciennes d'art de l'Atelier central, pendant deux ans à mi-temps pour démonter, examiner et reconditionner provisoirement l'ensemble des documents. Au total 2 105 documents ont été traités, ce qui correspond à 2 319 homme/heures.
Il reste encore beaucoup à faire avant la fin du reconditionnement des deux mille fragments concernés, mais l'exploitation des données enregistrées permettra d'aborder en connaissance de tous les paramètres la suite des opérations et d'établir une programmation rigoureuse.
La réalisation d'un programme pluridisciplinaire mis en œuvre par des personnels appartenant à des directions différentes, et à des métiers divers, est une expérience riche d'enseignements, et facile à mener, dès lors que chacun écoute l'autre - et apprend de l'autre - pour la meilleure marche du projet.
Monique Cohen
| voir aussi |  |
Exploitation
de la base de données Pelliot : synthèse et axes de recherches
futures |
1 - Degradation caused by cellulose diacetate
: analysis and proposals for conservation treatment / D. Aubier, J.-M. Blengino,
A.C. Brandt, N. Silviedans. In Restaurator, 1996, 17, p. 130-143
2 - Identification des causes
d'altération chimique de manuscrits de Haute-Asie, actes du séminaire... de
Chantilly, Paris, 7 - 9 février 1996 / J.-M. Blengino. BnF, 1998 (sous presse) 
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