Désacidification de masse : étude de l’état
de dégradation acide des fonds de la période 1950-2000

Présentation du projet d'étude

in Actualités de la conservation, n° 22-23, janvier-juin 2005

Beaucoup de documents imprimés ou manuscrits des XIXe et XXe siècles conservés par les bibliothèques et archives sont aujourd’hui en très mauvais état et ne peuvent plus être communiqués aux lecteurs. Une enquête menée par la Bibliothèque nationale de France en 1990 sur un échantillon de livres imprimés et de périodiques de la période 1850-1950 a estimé qu’environ 2,6 millions de volumes imprimés et de périodiques nécessitent un traitement urgent.

 

Qu’en est-il des ouvrages des cinquante dernières années? Un projet d’étude soumis au département de la Conservation a montré qu’il pourrait être opportun d’examiner l’état de dégradation de ces ouvrages. Ce constat est basé sur le résultat des visites des départements de la BnF et sur l’exemple des bibliothèques étrangères. Un projet d’étude a été élaboré. Il propose des éléments pour le choix d’une méthode d’échantillonnage qui pourrait être appliquée aux collections de la BnF ainsi qu’un scénario envisageable pour la réalisation de cette enquête.

 

Synthèse des visites en magasins

Un premier examen des collections des différents départements du site François­Mitterrand et de Richelieu laissent entrevoir que beaucoup d’ouvrages des années 1950-60 sont déjà trop dégradés pour subir un traitement de désacidification de masse, que les ouvrages des années 1960-70 sont traitables et qu’on compte déjà des documents acidifiés parmi les ouvrages des années 1980. Aussi, une étude statistique de l’état de dégradation acide de ces fonds imprimés est tout à fait justifiée.

Par ailleurs, à notre connaissance, il n’existe pas d’évaluation de l’état de dégradation des collections des départements spécialisées (site Richelieu) de la période antérieure à 1950. Les documents à sonder en priorité sont les documents de référence (littérature primaire), les ouvrages français, les ouvrages annotés ainsi que des ouvrages étrangers souvent uniques en France.

 

 

État de la question dans les institutions étrangères

Des institutions étrangères (Bibliothèque nationale et Archives fédérales suisses, Bibliothèque du Congrès, Archives nationales et Bibliothèque nationale des Pays-Bas, Bibliothèque nationale du Québec, Bibliothèque nationale du Canada, Bibliothèques et Archives allemandes) ont été consultées afin de faire le point sur leur politique face à la dégradation de leurs collections imprimées. La politique de conservation des bibliothèques étrangères diffère légèrement d’une institution à l’autre. Toutefois, toutes les bibliothèques consultées ont fait le choix de ne traiter que les ouvrages acides édités dans leur pays. La Bibliothèque nationale suisse semble se démarquer des autres par le choix d’un programme de désacidification bien défini en trois étapes. Tout d’abord, une phase de prévention qui viserait à traiter dans les deux à cinq prochaines années les fonds 1930-1980. Puis une phase de maintien de l’utilisation de l’installation pour désacidifier dans les cinq à dix années suivantes les fonds des années 1850-1930. Finalement, une phase de sélection individuelle pourrait traiter dans les dix à vingt années suivantes les collections d’après 1980.

 

 

Choix de la méthode de sondage

Un projet de norme AFNOR sur les méthodes d’évaluation de l’état physique des fonds de bibliothèques et d’archives est en cours d’élaboration. La norme présente la méthode de sondage et les outils associés, ainsi que l’organisation relative à une campagne d’évaluation de l’état physique des fonds. Il serait approprié de se servir en partie de cet outil pour réaliser la présente étude.

Cette norme propose une méthode basée sur les statistiques permettant de mener une enquête à partir d’échantillons tirés dans l’ensemble de la population sur laquelle porte l’évaluation. Cette méthode constitue un outil pour la mise au point de prescriptions techniques applicables, que l’évaluation soit menée en interne ou sous-traitée à un prestataire de services. Cette norme s’applique uniquement aux documents graphiques à l’exclusion des documents photographiques, sonores et audiovisuels.

 

 

Scénario envisageable pour la réalisation de l’enquête

Il a été convenu de scinder en deux parties le projet d’évaluation. Dans un premier temps, l’évaluation portera sur les collections imprimées de 4 départements du site François­Mitterrand : Philosophie, histoire et sciences de l’Homme; Littérature et arts; Droit, économie et politique; ainsi que Sciences et techniques. Dans un deuxième temps, l’étude s’étendra aux collections des départements spécialisés du site Richelieu. Chaque étape pourra être réalisée sur une période d’un an.

Il a été estimé que le nombre d’ouvrages imprimés de la période 1950-2000 oscillerait autour de 5 000 000. Sur cette partie des collections, un taux de sondage de 0,5 % est acceptable. L’enquête portera donc sur 25 000 ouvrages. L’enquête aura une durée de 5 mois. Elle comprendra la formation des sondeurs, les tests de validation, l’enquête pilote et l’enquête proprement dite. Elle sera suivie de l’exploitation des données collectées par un statisticien.

Une société prestataire se chargerait de l’embauche d’une équipe de vingt sondeurs, de la fourniture des moyens logistiques (portables, licences de logiciels et maintenance) ainsi que de la préparation des données pour le travail d'un statisticien.

La BnF quant à elle, se chargerait de l’embauche d’un statisticien, de l’obtention du matériel nécessaire à la réalisation de l’enquête (crayons marqueurs de pH) ainsi que de l’exploitation des résultats et de la rédaction du rapport d’analyse.

 

 

Conclusions

Trois considérations majeures doivent être gardées à l’esprit en ce qui concerne l’examen proposé. Étudier l’état de dégradation des documents récents permettrait de :

 

Nathalie Buisson, Département de la Conservation, laboratoire
Brigitte Leclerc, Département de la Conservation, laboratoire