Analyse microbiologique de quatre colles d’amidon de blé

in Actualités de la conservation , n° 26, janvier-décembre 2007

Les colles utilisées par les restaurateurs pour leurs travaux sont souvent rapidement contaminées par des moisissures. L’objet de cette étude est de comparer 4 colles d’amidon de blé en poudre. Pour cela nous avons réalisé différentes analyses afin de définir la ou les origines des contaminants. Les résultats de cette étude serviront à définir au mieux un protocole de préparation afin de limiter l’apport de contaminants sur les œuvres restaurées.

Les bilans microbiologiques des colles et des eaux

Protocole expérimental

Cette étape consiste à révéler la ou les origines de la contamination fongique, pour cela nous avons analysé les colles à différents stades de leur fabrication. Ainsi, nous avons analysé les colles déshydratées, les colles hydratées, et les colles hydratées et tamisées. Toutes sont préparées à partir de poudre selon le protocole utilisé par les restaurateurs: la concentration (1 volume de poudre pour 3 volumes d’eau), la température (70°C environ) et le temps de chauffage (10 min) ont été respectés. L’équivalent de 1g de chaque colle déshydratée est ensemencé sur 3 types de milieu de culture : un milieu généraliste MEA (Malt Extract Agar) et deux milieux sélectifs, DRBC (Dichloran Rose Bengale Chloramphenicol) et DG18 (Dichloran Glycol). Ces analyses sont réalisées 4 fois pour chaque colle et pour tous les stades de préparation. Après 3 jours d’incubation à 25 °C, le dénombrement des colonies est réalisé.

 

Résultats des bilans microbiologiques des colles

Parallèlement, nous avons comparé dans l’étude l’influence de l’eau osmosée et celle de l’eau courante. Pour cela, nous avons filtré 50 ml de chaque eau à travers une membrane que nous avons déposée sur différents milieux de culture. Après trois jours d’incubation le nombre de colonies développées est compté.

 

Interprétation :
Ces résultats nous permettent de constater que toutes les colles déshydratées sont contaminées et que cette contamination originelle est très différente d’une colle à l’autre. Ainsi, la colle la moins contaminée est la colle Cap blé et la plus contaminée est la colle Shoufu (amidon blé japonais).

 

Par la suite nous constatons que l’hydratation des colles diminue très nettement le nombre de contaminants tout en gardant la variabilité d’une colle à l’autre. De plus, nous constatons la présence de nouveaux contaminants: des bactéries dans ces colles préparées dont le nombre augmente avec le tamisage. Ces contaminants résultent soit d’une contamination humaine soit d’une contamination par le matériel et par l’eau.

Résultats des bilans microbiologiques des colles

 

Identification des moisissures

Les différentes moisissures développées lors de ces analyses ont fait l’objet d’une identification au microscope optique sur des critères macroscopiques et microscopiques. Ainsi, les souches identifiées en majorité sont des Aspergillus sp et notamment Aspergillus niger et versicolor, des Penicillium comme Penicillium chrysogenum et restrictus. Nous avons aussi noté la présence de Chaetomium globosum, et de Cladosporium sp et d’Epicoccum sp. Toute cette flore fongique mise en évidence correspond à celle qui se développe sur les céréales avant la récolte. La flore dite des champs se retrouve donc après mouture des grains de blé dans les amidons déshydratés. Or, nous notons que la majorité des souches identifiées sont cellulolytiques : ces moisissures trouvent si elles se développent sur le papier un substrat favorable à leur croissance.

 

Bilan microbiologique des eaux

Interprétation :
Les résultats mettent en évidence deux types de contamination pour chaque type d’eau dans des proportions non similaires. Ainsi, l’eau courante comporte des moisissures et des bactéries en proportion bien supérieure à l’eau osmosée.

Or si l’eau osmosée est utilisée pour la préparation de la colle, l’eau courante, elle, est utilisée pour le nettoyage du matériel (casserole, tamis etc). Ainsi, les bactéries présentes après l’hydratation des colles proviennent probablement de la contamination des eaux.

dénombrement de moisissures et de bactéries dans les eaux

Conclusion

À la lumière de ces résultats, nous pouvons conclure que toutes les colles déshydratées sont contaminées ; à cette contamination originelle s’ajoute une contamination secondaire bactérienne issue de l’eau et du matériel contaminés utilisés lors de la préparation. De plus, nous pouvons affirmer que la méthode de préparation a une influence sur la contamination biologique des colles préparées, notamment le chauffage qui permet de réduire la contamination fongique ainsi que l’utilisation d’eau osmosée et de matériel propre qui permettent de limiter l’apport de contaminants. Ainsi, face au risque d’une contamination fongique due à des moisissures cellulolytiques, les colles doivent être préparées quotidiennement en petite quantité et le séchage des supports encollés doit être réalisé dans de bonnes conditions afin de limiter la germination des spores de moisissures.

 

Tony Basset, BnF, laboratoire
Stéphane Mareynat, BnF, laboratoire
Stéphanie Rock, C2RMF