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Mo i Rana (Norvège), 10 - 11 août 2005
in Actualités de la conservation, n° 24, juillet-décembre 2005
En préliminaire du congrès annuel de l’IFLA, la section des journaux et la section préservation et conservation organisaient deux journées d’études consacrées à la découverte de la Bibliothèque nationale de Norvège à Mo i Rana et au bilan des dernières techniques de conservation des documents sur tous supports. Une trentaine de professionnels de bibliothèques d’Europe, d’Amérique du Nord et du Japon assistaient à ces journées.
Mo i Rana est une ville de 25 000 habitants, traversée par le cercle arctique. En 1989, pour compenser la perte d’emplois industriels dans la région, le gouvernement y a établi la Bibliothèque nationale de Norvège en tant qu’agence chargée du dépôt légal. Le siège d’Oslo n’a été créé qu’en 1998 par la transformation de l’ancienne bibliothèque de l’Université. Les deux sites fonctionnent selon une organisation transversale. Budget 2005 : 210 millions de couronnes norvégiennes (27 millions E), 340 employés.
Depuis la loi sur le dépôt légal de 1990, Mo i Rana reçoit les livres (en 7 exemplaires), périodiques, microformes, photographies et documents électroniques. Un exemplaire de sécurité est conservé dans un magasin souterrain, particularité du site qui avait conduit à choisir ce lieu d’accueil pour la préconférence. D’autres exemplaires sont expédiés à la BN d’Oslo et dans d’autres biliothèques norvégiennes. Mo i Rana est aussi chargé du dépôt légal de la radio et de la télévision. Le centre n’est pas ouvert au public, car c’est uniquement un centre de gestion du dépôt légal et de conservation.
Le site de Mo i Rana dispose de trois types de magasins
Boîte de conservation
métallique du Centre de Mo i Rana Magasin robotisé du Centre de Mo i Rana |
Le magasin permet le rangement d’1,5 million de documents. Le climat n’est pas contrôlé, parce qu’il s’agit d’une collection sans but de conservation à long terme. La température varie donc au cours de l’année de 12° C à 22° C et l’humidité relative de 12 % à 57 %. Le système informatisé optimise le stockage et la communication des documents. Le magasin fait 60 m de longueur, 14 m de largeur, 14 m de hauteur. Il est équipé de trois travées d’étagères de 14 m de hauteur. Dans les allées circulent, sur rails, des plateformes élévatrices automatisées. Les documents sont rangés dans des soufflets à l’intérieur de caisses d’acier sans couvercle. Les caisses circulent sur des tapis à rouleaux avec un système d’aiguillage vers les trois allées. Des plateformes élévatrices se positionnent pour prendre la caisse en attente et s’enfoncent dans l’allée à une vitesse de 2m/s pour positionner la caisse à son adresse. La capacité de circulation est de 200 caisses en entrée/sortie par heure. Le temps moyen de prélèvement est de 2 minutes. Le poids est un critère pris en compte, parce que le poids d’une caisse doit rester inférieur à 36kg. Chaque document est donc pesé au cours de la procédure d’entrée dans le magasin. Pour optimiser la gestion des entrées/sorties, deux zones du magasin sont réservées aux collections à rotation intense. Le taux de rotation est donc également un critère de rangement. Le matin, le système est utilisé en prélèvement ; l’après-midi en rangement. Le système a été conçu par la société Swiss Log qui a l’expérience des magasins robotisés mais travaillait pour la première fois avec une bibliothèque. L’installation aurait coûté plus de 5 millions d’euros, hors coût de construction du bâtiment. |
La BN a préparé une bibliothèque numérique de 920 000 documents, ouverte
à la consultation à partir du 15 août 2005 à l’occasion du congrès de
l’IFLA, comprenant des textes, des enregistrements sonores et vidéos
numérisés, ainsi que des fichiers électroniques entrés par dépôt légal.
L’accès se fait par authentification, car la plus grande partie des
documents n’est pas libre de droits. La numérisation se fait au rythme
annuel de 200000 pages de journaux, 20000 à 50000 photographies, 10000
heures d’émissions radiophoniques. Le dépôt légal permet de faire entrer
plusieurs centaines d’objets, 40 000 heures de radiodiffusion et 100
millions de pages Internet par an. La BN collabore avec l’International
Internet preservation consortium (IIPC) sur la conservation et l’accès
aux documents numériques. La BN a conçu un système d’archivage dont
la salle informatique est située dans le magasin souterrain. La BN considère
que le stockage sur disques magnétiques est plus économique que tout
autre système
au-dessus de 4 To (parrapport à un stockage robotisé). Le système disposait à
l’ouverture d’une capacité de 70 To en disques durs. Un site miroir off line
est hébergé dans un bâtiment extérieur, sous forme de stockage de bandes magnétiques.
Ces copies de sécurité représentent 150 To. La BN migre dans son système d’archivage
les photos, les archives de la radio et les pages Internet. Ce processus prend
beaucoup de temps, notamment pour la saisie des métadonnées. La BN travaille
sur une version 2 qui offrira un contrôle automatique de l’intégrité des données.
Le microfilm est le support de préservation des périodiques inscrit dans la loi
sur le dépôt légal. La BN souhaite cependant construire une bibliothèque numérique
de périodiques pour des raisons d’accès, mais aussi de conservation, et collabore
à plusieurs projets, notamment TIDEN, Nordic newspaper digital library. La numérisation
se fait à partir des microfilms, mais les microfilms anciens ne sont pas d’assez
bonne qualité. Il faut donc refaire la reproduction. La reconnaissance optique
de caractères est performante pour les collections récentes, mais pas sur les
collections anciennes, ce qui induit un processus coûteux d’enrichissement des
données. Pour la BN, l’utilisateur doit avoir une interface d’accès unique, constituée
par moissonnage des métadonnées dans des bases séparées, simple, du type Google,
offrant le maximum de services, comme Amazon !
Des représentants de la British library ont présenté le projet d’un magasin automatisé. Les collections du site de Boston Spa s’accroissent au rythme de 12 km linéraires par an. La capacité limite sera atteinte en juin 2007. En outre, une part de 42% seulement des collections est conservée dans des conditions climatiques correctes. La British Library a donc conçu un projet de nouveau magasin automatisé de 260 km linéraires permettant 12 années d’accroissement à partir de 2008, date d’ouverture espérée, pour accueillir des collections des sites londoniens de Saint Pancras et Colindale (the newspaper library). Les étagères feront 12 m de hauteur. Les documents seront rangés dans des conteneurs en polypropylène.
La British Library souhaite avoir recours au maximum à des solutions
existantes sur le marché sans développement spécifique. Le magasin sera
totalement informatisé sur le modèle de Mo i Rana.
15 bibliothèques dans le monde utilisaient en 2005 un magasin entièrement
automatisé.
Le bâtiment fera 81m de long x 22m de large x 22 m de hauteur. 8 ou 9 personnes seront affectées à ce service. La température sera régulée à 16 °C, avec une tolérance de +- 1°C. L’humidité relative sera maintenue à 52% avec une tolérance de +- 5 %. Le magasin sera complètement aveugle. La seule lumière sera celle des lampes de sécurité. Le personnel gèrera le magasin de l’extérieur, sauf intervention de maintenance.
Les objets les plus précieux serontconservés en bas des étagères pour faciliter leur évacuation en cas de sinistre. Le taux d’oxygène sera maintenu en permanence à 15 %, c’est-àdire en dessous du point de combustion, pour prévenir tout incendie. Ce faible taux d’oxygène rend plus pénible le travail des agents. La British Library estime que ce système de protection antiincendie coûte le même prix en investissement et en fonctionnement qu’un réseau de sprincklers, mais a l’avantage d’éviter le risque de dégâts des eaux.
En cas de panne, il faut 90 h avant que l’air retrouve un taux d’oxygène permettant la combustion en raison de la bonne isolation du bâtiment.
La British Library étudie également l’identification par radio-fréquences (RFID) pour les collections nouvelles qui entreront dans ce magasins, mais sans reprise rétrospective. Un travail préalable de préparation des collections à déménager devra avoir lieu : nettoyage, conditionnement. L’accord définitif du gouvernement restait à obtenir en 2005.
À Oslo, au cours du congrès général, parmi plusieurs dizaines de conférences très riches sur tous les sujets concernant les bibliothèques, la conservation a été plus particulièrement abordée dans deux sessions.
Le 15 août , la section des journaux présentait les chantiers de numérisation de périodiques de plusieurs institutions : la Bibliothèque nationale de France, la British Library , une collaboration des bibliothèques nordiques et la société Datum data en Chine.
Le 16 août avait lieu une session de conférences organisée conjointement
par les sections préservation et conservation, Asie et Océanie, construction
des bibliothèques et l’activité fondamentale préservation et conservation
(PAC), sur le rôle des techniques de construction des bibliothèques
dans la conservation. Parmi d’autres interventions, le magasin souterrain
de Mo i Rana y a notamment été présenté, ainsi qu’un exemple de réfection
de bâtiments anciens par la Bibliothèque d’État de Russie, un exemple
de
construction permettant de maîtriser les coûts d’entretien futurs en
Suède et la protection anti-incendie par ventilation d’air hypoxique,
c’est-à-dire avec un taux d’oxygène abaissé.
Pendant le congrès général, le comité permanent de la section préservation et conservation, présidé par Nancy Gwinn (Smithsonian institution library, Washington) a tenu deux réunions.
Au cours des discussions, la bibliothèque de l’Université John Hopkins a pu faire état de son projet de développer un robot flexible, c’est-à-dire indépendant du type de rayonnage, capable de prélever les documents dans les magasins. Il s’agit d’un projet de recherche et développement du “Digital knowledge Center” de l’Université John Hopkins, qui a pour objectif de développer des outils automatiques afin d’abaisser les coûts de l’ensemble des processus qu’implique la numérisation des documents : http://dkc.mse.jhu.edu/projects.html.
Un tour de table a permis également de recueillir quelques remarques
sur la RFID dans les bibliothèques. La technique reste encore chère. Les
documents anciens ou précieux ne peuvent pas être équipés d’étiquettes
RFID. Ce n’est donc pas une solution globale. La fiabilité n’apparaît
pas totale aux
premiers utilisateurs. La distance de fonctionnement semble finalement
très limitée, quelques centimètres. Les murs constituent des obstacles.
En définitive, le concept est séduisant, mais des limitations en réduisent
fortement les bénéfices attendus.
La Bibliothèque du Congrès a annoncé l’ouverture d’un centre de stockage et de conservation des collections audiovisuelles, permettant de regrouper les activités actuellement réparties sur six sites en un seul, à 150 km de Washington, en Virginie. 90 personnes travailleront dans ce centre. Les déménagements de collections ont déjà commencé.
Marie-Thérèse Varlamoff, directrice de l’activité fondamentale préservation et conservation (PAC) de l’IFLA, a rapporté les avancées structurelles du réseau avec la création de six nouveaux centres régionaux au Chili, à Rio de Janeiro, Trinité-et-Tobago, au Cap (pour l’Afrique anglophone), au Bénin (pour l’Afrique francophone), et en Chine. Un centre devrait également voir le jour en Amérique du Nord.
Le comité permanent a défini ses projets jusqu’en 2007 :
Toutes les interventions de la préconférence de Mo i Rana et d’Oslo peuvent être consultées sur le site de l’IFLA : http://www.ifla.org.
Guillaume Niziers, Département de la conservation, Centre technique de Bussy-Saint-Georges