Désacidification de masse : sondage
auprès des bibliothèques et des archives de France

in Actualités de la conservation, n° 22-23, janvier-juin 2005

Cadre de l'enquête

La BnF mène un programme de recherche sur la désacification de masse des papiers acides et fragilisés. La première phase de ces travaux, une étude comparative des propriétés physico-chimiques des papiers traités par différents procédés de désacidification, est terminée. Une seconde phase, examinait les scénarios envisageables pour l’exploitation du procédé, y compris la possibilité de confier au secteur privé son exploitation. C’est dans le cadre de ce programme que nous avons sollicité la collaboration des bibliothèques municipales classées, CADIST et les archives départementales. À l’issue de cette étape, la BnF disposera de tous les éléments nécessaires pour effectuer le choix de son futur procédé.

 

 

Objectifs de l'enquête

  • Effectuer une consultation d’un large éventail de bibliothèques et d’archives.
  • Évaluer l’intérêt potentiel des archives et des bibliothèques pour l’utilisation de procédés de désacidification de masse pour le traitement des ouvrages acides.

 

Synthèse des résultats

  • 1 - La majorité des institutions ayant répondu au sondage n’est pas en mesure de fournir des renseignements sur l’état de dégradation acide de leur fonds.
  • 2 - Une bonne proportion des institutions (38%) envisagerait de recourir à la désacidification de masse comme traitement de conservation.
  • 3 - Une bonne proportion (33%) serait prête à s’engager sur un programme pluriannuel auprès d’un prestataire.
  • 4 - Le manque d’informations sur la désacidification de masse est un facteur qui limite le recours à un tel procédé.
  • 5 - Les aspects les plus importants qui ont été pointés seraient, dans le cas d'un recours à la sous-traitance: la sécurité (65%) et la compétence des opérateurs (65%) suivie des conditions de traitement (62%).

 

Distribution du questionnaire

163 questionnaires ont été expédiés auprès des bibliothèques et archives de France :

  • 51 questionnaires ont été envoyés aux Bibliothèques Municipales Classées
  • 89 questionnaires ont été adressés aux Archives Départementales
  • 23 questionnaires ont été distribués aux CADIST

 

Institutions ayant répondu au sondage :

  • 31 Bibliothèques Municipales Classées
  • 26 Archives Départementales
  • 12 CADIST

Total des institutions ayant participé au sondage : 69

Pourcentage de participation : 42 %

 

 

1 - Quels sont les traitements de conservation utilisés pour vos documents imprimés de la période 1860-1960 ?

1.1 Méthode de traitement employée :

  • 60% : traitements combinant programme de sauvegarde sur des fonds prioritaires et traitements appliqués aux documents consultés
  • 20% : traitements concentrés sur les documents demandés par les lecteurs
  • 20% : aucun traitement

1.2 traitements utilisés

 

traitements utilisés

 

Précisions sur les autres traitements :

Une quinzaine d’institutions pratiquent d’autres types de traitements. Le doublage, la restauration d'affiches par des ateliers spécialisés, la reliure pour les brochés du 19e et du 20e siècles, la désacidification manuelle et le renforcement par des ateliers spécialisés, le rangement à plat, la restauration, la reliure pour les livres débrochés, le renforcement de certaines couvertures par un relieur sur place ainsi que la désacidification manuelle de certains périodiques avant microfilmage constituent des exemples d'autres types de traitement pratiqués.

 

1.3 Quelle est la volumétrie des documents traités en conservation chaque année, tous traitements confondus :

 

volumétrie des documents traités en conservation chaque année 42 % connue, 12 % inconnu et 46 % sans réponse

 

 

2 - Mesure de l’état des fonds

 

2.1 Précisions sur la connaissance de l’état de dégradation acide des fonds de la période 1860-1960 :

  • Institutions ayant réalisé une mesure du taux de documents acides : 6 %
    N’ayant pas réalisé cette estimation : 84 %
    Sans réponse : 10 %
  • Connaissant le nombre de documents ne pouvant plus être communiqués sans dommage car le papier est cassant : 6%
    Ne connaissant pas le nombre de documents ne pouvant plus être communiqués : 84 %
    Sans réponse : 10 %
  • Connaissant le nombre de documents acides fragilisés : 9 %
    Ne connaissant pas le nombre de documents acides et fragilisés : 81 %
    Sans réponse : 10 %
  • Connaissant le nombre de documents en bon état : 7%
    Ne connaissant pas le nombre de documents en bon état : 83 %
    Sans réponse : 10%

 

3 - Indication du degré d’efficacité des solutions choisies

(gradation 1 : pas du tout efficace à 10 : entièrement efficace)

  • 1 - 5 : 21 réponses = 30%
  • 6 - 10 : 14 réponses = 20%
  • sans commentaires : 34 réponses = 49%

 

4 - Connaissance de sociétés offrant des services de
désacidification de masse en France

 

Connaissance de sociétés offrant des services de désacidification de masse en France  10 % oui, 71 % non et 19 % sans opinion

 

À la lumière des réponses obtenues, il a été observé à plusieurs reprises une confusion entre les sociétés dispensant des services de désacidification manuelle et de désacidification de masse. De même un procédé qui n’existe pas à l’heure actuelle a été évoqué (SEPAREX). Une réponse fait état d’une confusion entre désacidification et désinfection.

 

 

5 - Si vous aviez à faire traiter vos ouvrages par une société externe, quel degré d’importance accorderiez-vous à ces différents aspects

(gradation 1 : n’est pas une priorité, 2 : faiblement prioritaire, 3 : prioritaire et 4 : hautement prioritaire)

 

  1 2 3 4
1 Sécurité 0 1 8 45 = 65%
2 Compétence des opérateurs 0 0 9 45 = 65%
3 Conditions de traitement 0 0 11 43 = 62%
4 Références de la société 0 6 31 16 = 23%
5 Durée d'immobilisation 5 31 13 3 = 4%
6 Eloignement géographique 26 21 4 1 = 1%

 

Autres aspects mentionnés dans l’enquête

Le coût, le transport pris en charge par le prestataire, la bonne information du déroulement des opérations, la simplicité du montage financier, la diversification de compétences chez un même prestataire (désacidification/numérisation/microfilmage/restauration) et la capacité organisationnelle de l’entreprise sont les autres aspects mentionnés.

 

 

6 - Envisagez-vous de recourir à la désacidification de masse comme traitement de conservation ?

 

recours à la désacidification de masse comme traitement de conservation 38 % oui, 45 % non et 17 % sans commentaires

 

Commentaires formulés

32 établissements sur les 69 ont commenté leurs réponses. Voici les commentaires les plus fréquemment rencontrés dans ce questionnaire :

  • Un traitement de désacidification de masse pourrait être envisagé mais partiellement (par exemple, fonds rares, certains types de collections, grandes collections, cas précis)(13%).
  • Le manque de moyens financiers et humains est l’explication la plus souvent évoquée par les établissements pour ne pas recourir à la désacidification de masse (12%).
  • Un traitement de conservation pourrait être envisagé, mais pas dans l’immédiat (12%).
  • Le manque de connaissance sur le sujet est un autre élément faisant hésiter certains établissements (7%).

7 - Seriez-vous prêts à vous engager dans un programme pluriannuel auprès d’un prestataire ?

 

un programme
 pluriannuel auprès d’un prestataire 22 % oui, 45 % non et 33 % sans commentaires

 

Voici les commentaires obtenus :

  • Certaines institutions s’engageraient sur un tel programme si les moyens leur étaient fournis (aide de l’état, plan établi à l’échelle nationale, dans le cadre d’un marché public, dans le cadre d’un programme restauration/numérisation pour les documents uniques, par subvention spéciale du ministère) (14%).
  • Le manque de moyens humains et financiers, le coût de la prestation ou encore le travail préalable de préparation sont des critères de refus pour s’engager dans un programme pluriannuel auprès d’un prestataire, tout en étant conscient qu’il serait nécessaire d’intervenir (10%).
  • Quelques établissements n’envisagent pas pour le moment un tel programme, mais n’en excluent pas la possibilité dans un futur proche (7%).
  • Le manque d’informations sur le sujet fait que certaines institutions hésitent à se tourner vers un traitement de ce type (3%).

 

8 - Combien coûterait le traitement par un prestataire d’une tonne de volumes?

 

coût de traitement pour une tonne de volumes entre 7000 et 12000 euros 16 %, entre 13000 et 20000 euros 13 %, entre 20000 et 40000 euros 6 %, aucune idée 65 %

 

 

Conclusions

Intérêt pour le procédé

Il existe un intérêt pour la désacidification de masse dans le monde des bibliothèques et des archives. Bien que la majorité des répondants (84%) ne puisse estimer le taux de documents acides de leur fonds, les réponses aux sondages ont démontré que :

  • Une bonne proportion se proposerait d'utiliser la désacidification de masse comme traitement de conservation (38%).
  • 33% seraient prêts à s’engager sur un programme pluriannuel auprès d’un prestataires.
  • 12% envisageraient la désacidification de masse, mais pas dans l’immédiat.

Par ailleurs, 30% des personnes interrogées ne sont pas satisfaites des solutions choisies pour le traitement de conservation des documents imprimés de la période 1860-1960.

 

Connaissance de la méthode

On constate un important manque d’informations sur la désacidification de masse :

  • Bien que 71% des personnes consultées sachent qu’il n’existe pas de société offrant de services de désacidification de masse en France, bon nombre d’institutions font encore l’amalgame entre désacidification de masse et désacidification manuelle ou
    encore entre désacidification et désinfection.
  • Pour un certain pourcentage de réponses, le manque de connaissance est la cause principale d’hésitation.
  • Plus de la moitié des réponses (65%) soulignent l’imprécision des connaissances en ce qui concerne le coût du traitement. Seulement 13% des institutions ont répondu correctement à la question.

 

Autres sources d'hésitation

Le manque de moyens humains et financiers représente un obstacle majeur pour l’utilisation de la désacidification de masse pour certains établissements.

 

Perspectives

Le manque d’informations sur la désacidification de masse constitue un frein à l’utilisation de ce traitement. Par conséquent, il serait bon d’envisager une présentation générale des avantages et des inconvénients de la désacidification de masse aux conservateurs des bibliothèques et archives de France qui prendrait la forme d’un symposium ou d’une journée d’information. Un tel forum permettrait de disséminer l’information sur les différents procédés en vigueur ainsi que d'échanger avec les conservateurs sur leurs préoccupations de manière plus approfondie. Les réponses au questionnaire pourraient servir de cadre aux discussions.

 

La tenue d’un forum permettrait également une discussion sur les possibilités de participation des institutions au programme de désacidification de masse de la BnF.

 

 

 

Nathalie Buisson, Département de la Conservation, laboratoire