Politique de conservation

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La lumière : informations techniques

in Actualités de la conservation , n° 20

La mise en place d’une politique de conservation passe par une connaissance approfondie des facteurs de dégradation des documents.

Parmi ces facteurs, on trouve les conditions climatiques, la qualité même des matériaux, la pollution atmosphérique, les micro-organismes et la lumière. Les documents graphiques et photographiques, de par leur composition, sont très sensibles à ce dernier facteur.
Qu’elle soit naturelle ou artificielle, la lumière entraîne des dommages irréversibles sur les objets. Elle est généralement constituée de radiations visibles, des radiations infrarouges (IR) et des radiations ultraviolettes (UV).

 

schéma électromagnétique de la lumière

Schéma électromagnétique de la lumière

 

Ces derniers, plus énergétiques, sont les plus nocifs et peuvent entraîner des transformations chimiques dans les matériaux organiques (jaunissement des papiers, décoloration des photographies, craquelage des vernis, jaunissement et fragilisation des colles…).

 

La première action préventive est donc de réduire, et même d’éliminer ces radiations UV qui n’apportent rien à la bonne visibilité des œuvres. Outre l’emploi de moyens habituels tels que volets et stores, l’installation de filtres absorbants peut réduire ces radiations: matériaux verriers, films adhésifs pour les surfaces vitrées (c’est la lumière naturelle qui a les plus fortes proportions en radiations UV), plaques ou gaines plastiques pour les sources artificielles. Les films anti-UV doivent être validés par le Centre scientifique et technique du bâtiment (CSTB) ou un laboratoire agréé. Mais attention, ces filtres ont une durée de vie limitée et devront être régulièrement contrôlés.

 

L’unité de mesure des radiations UV est le µwatt/lumen. La limite supérieure tolérée dans les institutions muséales se monte à 75µwatt/lumen ; toutefois, compte tenu de la qualité des filtres disponibles aujourd’hui, il est possible d’être plus exigeant et d’abaisser la limite à 10µwatt/lumen.

On réduira aussi au maximum les radiations IR qui provoquent, par élévation de température, l’accélération de toutes les réactions chimiques et localement des phénomènes d’assèchement.
Même débarrassée des rayonnements UV et IR, la lumière reste "dangereuse" : elle entraîne par exemple des phénomènes de décoloration et doit être contrôlée. Il faut rappeler que :

 

Recommandations :

 

Le niveau d’éclairement s’exprime en Lux (Lx). La mesure de l’éclairement s’effectue sur la surface du document à contrôler à l’aide d’un luxmètre.

 

Pour les expositions
Parmi les objets les plus fragiles, on trouve les documents graphiques, photographiques et les textiles. Pour ces matériaux très sensibles, un consensus s’est formé pour un niveau d’éclairement maximal de 50 lux, rayonnements UV éliminés, et une exposition limitée dans le temps : 3 mois à raison de 8h/j sur une année. Plus qu’une durée d’exposition, il est conseillé de ne pas dépasser une dose totale d’exposition (DTE) qui est le produit du niveau d’éclairement (lux) par le nombre d’heures d’exposition. Il est à noter que la valeur de 50 lux a été établie en fonction de la perception humaine et correspond à un confort visuel minimum.

photographie d'un luxmètre

photographie d'un luxmètre

 

Pour avoir un bon rendu des couleurs ou une meilleure vision des détails, on tolérera un éclairement plus important à condition d’écourter le temps d’exposition ; ainsi, la DTE reste égale à celle correspondant à 50 lux pendant 3 mois, soit 36 000lux.h/an.
On peut, par exemple, augmenter l’intensité lumineuse à 150 lux ; la durée de l’exposition sera alors réduite à 1 mois. La prise en compte de la DTE conduit à une plus grande souplesse en permettant d’augmenter l’éclairement si on diminue le temps d’exposition, et inversement.

 

Pour des documents extrêmement sensibles à la lumière (photographies instantanées, aquarelles, papiers à base de pâte de bois…), il faudrait idéalement réduire la DTE à 12 500 lux.h/an (soit 50 lux durant un peu plus d’un mois). Une exposition supérieure à 2 mois nécessite une rotation des documents exposés ou pour les livres, un changement de page exposée. En ce qui concerne les documents souvent sollicités pour des expositions, il est judicieux de leur adjoindre une fiche de suivi d’exposition sur laquelle sera reporté le temps d’exposition et le niveau d’éclairement.

 

Pour le stockage
Dans les lieux de stockage, 100 à 300 lux sont suffisants pour le confort de travail et la sécurité des agents ; ces valeurs seront adaptées en fonction de la configuration du magasin.
Il convient par ailleurs de limiter l’exposition lumineuse ; lorsqu’aucun agent ne travaille dans le magasin, toutes les lumières doivent être éteintes.
Dans les salles de lecture, 200 à 300 lux sont des valeurs acceptables pour un bon confort visuel.

 

Attention : la photocopie intensive de documents fragiles n’est pas sans risque ; en effet l’intensité lumineuse est importante et le rayonnement UV souvent non négligeable. Sur certains appareils, 5 photocopies correspondent à une heure d’exposition à 50 lux . Il y a aussi un risque d’échauffement au niveau de la vitre du photocopieur 1.

Compte tenu de la grande diversité des objets et de l’incertitude quant à leur sensibilité à la lumière, il est difficile d’être catégorique sur les préconisations d’exposition. Cela se traduit dans la littérature par des recommandations sur les valeurs de DTE très différentes suivant les auteurs. Des recherches sont en cours pour développer une méthode permettant d’évaluer la fragilité des matériaux. Les DTE sont des estimations qu’il est prudent de respecter mais qui ne garantissent pas la pérennité des œuvres.
On sait simplement qu’il n’existe pas de niveau en dessous duquel la lumière n’a pas d’effet nocif, la meilleure prévention consiste donc à limiter au maximum l’exposition à la lumière et à en contrôler la qualité.

 

Christelle Quillet, Directrice du CTBnF

 

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1 - La BnF a publié un document interne intitulé Guide pratique de la photocopie à l’usage du personnel qui permet de disposer de critères de sélection des documents susceptibles d’être photocopiés ou non, et de préciser le règlement interne sur ce sujet. Ce document est disponible dans les centres de documentation du département de la conservation.