Restauration

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L'utilisation du papier japonais pour
le traitement des reliures anciennes

L’exemple du traitement des coiffes

in Actualités de la conservation , n° 19

 

Sommaire
Introduction
Conservation d’une coiffe
Conclusions

Introduction

Dans la discipline toute récente qui est la notre 1, à savoir « restaurer » ou plus souvent effectuer « des traitements de conservation 2 » sur des livres anciens, les matériaux, les produits, et les techniques sont en constante et rapide évolution. Si cet aspect présente un attrait professionnel incontestable il induit également un devoir de veille technologique et scientifique ainsi que des facultés d’adaptation professionnelles permanentes. Les avancées scientifiques et les évolutions technologiques ne présentent pas que des avantages car si elles ont permis l’innovation de produits qui nous sont aujourd’hui précieux, tels par exemple les dérivés cellulosiques, elles peuvent être également au service d’une plus grande productivité et consécutivement à l’origine d’une perte de qualité dans certains procédés de fabrication comme c’est le cas pour le matériau traditionnel qu’est le cuir. En effet, de nombreuses publications, depuis maintenant presque cinquante ans 3, font état de la qualité très aléatoire de ce matériau et de sa dégradation parfois très rapide. Il convient ici de rappeler un des principes de notre profession visant à utiliser des matériaux et produits stables dont l’innocuité pour l'objet original est garantie : "d'abord ne pas nuire"!

Ce constat suffit-il à ne plus utiliser les cuirs de tannages végétaux pour le traitement de reliures anciennes ? Non, mais sans établir une liste exhaustive des cas où leur emploi reste incontestable, il devrait suffire les en écarter à chaque fois que cela est possible ! Certains de nos confrères anglo-saxons, plus particulièrement au USA ont estimé quant à eux, au sein d’une approche plus globale et moins interventionniste 4, il y a maintenant une dizaine d’années, que le papier japonais, parmi d'autres matériaux, pouvait se substituer parfois très avantageusement au cuir 5. Ceci est vrai non seulement en termes de qualités intrinsèques (propriétés physico-chimique 6 : permanence, résistance, souplesse…) mais aussi

Plats déposés d'ouvrages dont la reliure a été refaite
(1) Plats déposés d'ouvrages dont la reliure a été refaite

pour les avantages qu’il présente au moment de la mise en œuvre du traitement : degré d’intervention plus faible donc traitement plus rapidement effectué, et potentiellement au moment de la dépose envisagée : meilleur degré de réversibilité 7.

 

Ce temps de traitement, au moment de sa réalisation ou de sa dépose est un élément fondamental. Pour beaucoup de livres ce n'est en effet qu'à partir du moment où des équivalences de coûts entre deux traitements sont possibles que la question peut être correctement posée. Souvent, si une reliure neuve en pleine toile est moins chère qu'un traitement de conservation, ce dernier sera écarté sans état d'âme (pratiquement) pour faire face à la réalité posée par la mission de consultation (qui induit souvent la dépose des reliures et leur réfection : Illustration n° 1). Par contre, si le traitement est possible dans des délais convenables et pour un prix équivalent, le livre pourra conserver intégralement la part des valeurs esthétique, d'ancienneté, archéologique et d'usage, qu'elles soient présentes concrètement ou en devenir (illustration n° 2).

Aussi, le rôle du restaurateur-conservateur de livres sera de proposer une gamme de traitements la plus étendue possible, qui répondra le mieux aux différentes dégradations des livres, mais aussi à leur destination et aux différentes problématiques rencontrées dans les bibliothèques, elles-mêmes liées aux missions de préservation, de mise en valeur et de communication des collections. Une réponse partielle à ces différentes données réside dans l'utilisation des papiers japonais et la mise en œuvre des techniques qu'il permet.

Malgré un décor à froid sur le dos, cette reliure ne présente pas d'autre intérêt, selon nos critères actuels, que d'être à peu près contemporaine du livre et la première réalisée sur cet ouvrage. On ne peut pas nier la valeur d'ancienneté. La valeur archéologique est seulement potentielle. La valeur d'usage quant à elle est prépondérante et la consultation doit être assurée. Si la cohérence de l'ensemble est toujours préférable, le principal critère de décision quant au traitement sera son coût. Pour cet ouvrage, la restauration a été faite avec du papier japonais

Ouvrage du XIXe siècle
(2) Ouvrage du XIXe siècle

 

 

1 Récente en effet car si nous pouvons observer des actions ou politiques ponctuelles plus ou moins heureuses et quelques « restaurations » de bibliophilie, réalisées au cours du XIXème siècle, il n’en reste pas moins que les prémices d’une émancipation (non achevée) de la discipline de restaurateur depuis celle de l'artisanat de reliure débute dans les années cinquante du XXème siècle.retour au texte

2 Ce terme semble plus juste que celui de "restauration" dont le sens étymologique de retour vers un état antérieur mal défini est ambigu. Les fonctions et/ou valeurs d'un objet ont en effet souvent considérablement évolué. Aussi, "restaurer" l'état initial n'est non seulement pas toujours souhaitable mais peut même constituer une inattention voire un mépris pour le temps et tous les éléments dont il est porteur qui s'est écoulé depuis la création du livre.retour au texte

3 Les Anglais ont été précurseurs vis à vis de ces préoccupations.retour au texte

4 Parmi les plus connus des précurseurs de cette nouvelle approche se trouvent bien sûr C. Clarckson et A. Cains. Parmi leurs divers travaux nous citerons les méthodes rapides et peu interventionnistes de rattachement des plats qu'ils ont développé comme le board slotting" (1992) ou le "joint tacketing" (1994). CLARCKSON (C) : "Board slotting – A now technique for re-attaching bookboards", Conference Papers Manchester 1992, IPC, ed. Sheila Fairbrass, s.l., IPC, Manchester, 1992, p. 158- 164. CAINS (A) : "In-situ treatment of manuscripts and printed books in Trinity College, Dublin", Conservation and preservation in small libraries, Parker library publications, Corpus Christi College, Cambridge, 1994, p.127-131. retour au texte

5 ETHERINGTON (D) : "Japanese paper hinge repair (For loose boards on leather books)" The Abbey Newsletter, Volume 19#3, August 1995, p. 48-49.retour au texte

6 AUBRY (T) : "Le traitement des reliures en cuir dégradées ; Options de traitement et choix d'un matériau" in Mémoire de maîtrise de Science et Technique, Conservation-Restauration des Biens Culturels, Session d'octobre 2002, 183p. AUBRY (T), CHAHINE (C) : "Interventions minimales sur les reliures en cuirs dégradées : cuir ou papier Japon?", in La conservation à l'ère du numérique, Actes des quatrièmes journées internationale d'études de l'ARSAG, ARSAG, Paris, 27-30 mai 2002 p 195-204.retour au texte

7 AUBRY (T), CHEVALIER (S), PONCELET (J), SAINTE-MARTHTE (B) : "Une technique minimaliste : quelques éléments de réponse aux problèmes de lisibilité et visibilité. L'utilisation de papier japonais pour les traitements de restauration des reliures"in Visibilité de la restauration, lisibilité de l'oeœuvre Conservation Restauration des Biens Culturels, colloque de l'A.R.A.A.F.U., Paris –13,14 et 15 juin 2002, pp 203-217. retour au texte

 

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Le traitement de conservation d’une coiffe

Nous avons choisi d’aborder cette problématique spécifique car il semble d’une part qu’elle n’ait pas fait l’objet de publication particulière à ce jour pour des traitements effectués avec du papier japonais et d’autre part parce qu’après le rattachement des plats 1 et le traitement des mors, il s’agit esthétiquement et mécaniquement d’une des parties majeures du livre, qui malheureusement est très souvent altérée. Par ailleurs, dans la mesure ou d’autres travaux ont déjà développé les aspects liés par exemple à la résistance des papiers japonais pour le rattachement des plats ou à leur résistance comparée au cuir, avant et au cours de vieillissement ou encore aux aspects déontologiques de leur emploi au sein d’un traitement du point de vue de la visibilité du traitement et de la lisibilité de l’œuvre, ces différents aspects ne seront pas développés et nous renvoyons le lecteur aux références données. Enfin, avant d’entrer dans des descriptions techniques, il convient de préciser que préalablement à ce traitement, le constat du bon maintien des plats sur le corps d’ouvrage a été effectué ou que ceux-ci ont été correctement rattachés.

Définition

La coiffe est la partie supérieure ou inférieure du dos d’un ouvrage. Elles a pour fonction de protéger les tranchefiles en se rabattant légèrement par dessus, mais surtout elle participe au maintient des plats, via les encoches de coiffes (cf. illustration n° 3). Esthétiquement, elle « termine » le dos et sa confection évolue stylistiquement d’un siècle à l’autre. Certains techniciens incluent dans cette définition (pour les ouvrages cousus sur nerfs) le premier ou le dernier caisson. Cependant, dans le cadre de cet article ce terme ne fera référence qu’à la partie rabattue sur la tranchefile et aux encoches de coiffes.

Coiffe d'un ouvrage du XVIIIe siècle
(3) Ouvrage du XVIIIe siècle. La coiffe est entière mais les encoches de coiffes sont rompues.

Altérations

Rupture des encoches de coiffes (illustration n°3)

Dans ce cas, les coiffes sont présentes bien que déchirées au niveau de chaque encoches. Cette altération est problématique puisque la déchirure ainsi amorcée pourra se prolonger sous l’effet d’autres contraintes que celles d’ouverture/fermeture : contraintes latérales par exemple (cf. schéma n° 1). Ceci est important car alors, ce ne sont plus les caractéristiques de résistance au pli ou à la traction du cuir qui sont sollicitées mais celles à la déchirure. Or, en terme de tests normalisés, la résistance d’un cuir vieilli soumise à cette force est souvent très faible, voire quasi nulle.

schéma n°1

Schéma n° 1. Lorsque l'encoche de coiffe est encore fonctionnelle,
seul un mouvement d'ouverture/fermeture sera possible (à gauche).
Par contre, lorsque l'encoche est rompue, La déchirure est amorcée
et un mouvement latéral est autorisé, qui accélèrera la dégradation
(à gauche).

Lacunes

Elles peuvent être plus ou moins importante mais l’absence totale de coiffes est fréquente. Leur disparition s’accompagne souvent immédiatement ou à relativement brève échéance de la détérioration et/ou de la disparition des tranchefiles et des caissons de tête et de queue.

 

 

Traitement

Notons que la réfection d’une coiffe et le rétablissement de ses fonctions n’est pas obligatoire ; divers paramètres comme la présence ou non d’une tranchefile, la taille du volume, son poids, le nombre de nerfs qui l’attachent au corps d’ouvrage, la valeur esthétique accordée à l’ouvrage, sa fréquence de consultation, la réalisation d’un conditionnement… sont autant d’éléments, établis au moment de l'examen diagnostic, conjointement par le responsable du fond et le restaurateur, qui entraîneront ou non ce traitement.

La confection de la coiffe avec du papier japonais se fait en trois temps.

 

Tout d’abord, une bande de papier japonais d’un grammage moyen (40g/m²) est déchirée. Elle doit mesurer la largeur du dos plus deux centimètres de chaque côté. La hauteur de cette bande variera entre deux et cinq centimètres. Ce papier est encollé sur une face avec de « l’eau de colle » 2 d’amidon puis un « papillon » est confectionné (illustration n°4). La partie torsadée doit faire la largeur du dos et les deux parties non torsadées seront collées sur les contre-plats (une seule dans un premier temps).

Confection du papillon
(4) Confection du papillon

Ce premier collage se fera soit sur le contre-plat (illustration n°5), ce qui est fréquemment effectué, soit sous le papier de garde, soit dans l’épaisseur du carton après qu’une incision aura été opérée (illustration n°6).

Cette décision sera prise à la suite d’observation concernant le papier contre-collé (s’il est fin ou épais, glacé ou non, très bien collé ou peu adhérent, de couleur ou blanc 3…).

 

Collage du papillon sur un contre plat
(5) Collage du papillon
sur un contre plat
Coupe du chant du plat pour insérer le papier
(6) Coupe du chant du plat afin
d'insérer le papier lorsqu'on veut
éviter de masquer le papier marbré
situé sur le contre plat

 

La seconde étape consiste en la pose d’une deuxième bande destinée à maintenir le « papillon ». Le grammage du papier utilisé ici peut être moindre (de 10 à 20g/m²). Ses dimensions sont la largeur du dos et une hauteur de 1,5 à 2cm. Cette bande est collée sur une surface de 0,5mm sous le cuir (illustration n° 7). La partie dépassant doit entourer la bande torsadée pour ensuite être également introduite sous le cuir et collée (illustration n° 8). L’objectif de cette étape est de maintenir correctement la bande torsadée au corps d’ouvrage. La deuxième partie non torsadée du « papillon » peut alors être collée sur le second contre-plat.

 

Insertion de la bande de maintien du papillon
(7) Insertion de la bande
de maintien du papillon
Pose du papier de maintien du papillon
(8) Pose du papier de maintien
du "papillon". Une partie de
cette bande de papier est
éliminée. Ce qui reste entoure
le papier torsadé et est collé
sous le cuir.

 

Pour la troisième et dernière étape, un papier de grammage moyen (10 à 20 g/m²) doit être prélevé. Sa largeur sera celle du dos plus un ou deux centimètres par plat et sa hauteur devra être de 4cm environ. Dans un premier temps, cette bande est posée sur le dos et sur les plats (illustration n° 9). Si elle est collée par-dessus le cuir, ce qui est fréquent, toute la surface non-désirée est éliminée par défibrage afin de dégager au maximum le décor (illustration n° 10). Les largeurs dépassantes, correspondant aux plats sont découpées ce qui permet au papier d’être « remplié » (illustration n° 11).

 

Pose de la dernière bande de papier
(9) Pose de la dernière
bande de papier
Surplus éliminé à l'aide d'une pince Brucelles
(10) Le surplus est éliminé à l'aide d'une pince Brucelles.
Papier remplié sur les contreplats
(11) Le papier est remplié
sur les contreplats.

 

En l’absence de tranchefiles (cas fréquent), la partie de papier dépassant sera laissée suffisamment longue (1,5 à 2 cm) et découpée en plusieurs petites lanières (illustration n° 12) qui seront insérées dans le corps d’ouvrage de façon à créer une sorte de « bâti » 4 (illustration n° 13 et 14). Cette dernière solution permet de restituer une très grande solidité à cette partie de l’ouvrage.

 

En l'absence de tranchefiles, le papier qui dépasse est coupé
(12) En l'absence de tranchefiles, le
papier qui dépasse est coupé en
lanières qui sont insérées dans le
corps d'ouvrage.
Insertion des lanières dans le corps d'ouvrage
(13) Insertion des lanières dans le
corps d'ouvrage
Insertion des lanières dans le corps d'ouvrage
(14) Idem

 

Si une tranchefile est présente ou a été restituée, la hauteur du papier qui surplombe la coiffe sera de faible dimension et non découpée en lanière. Cette partie sera rabattue derrière la tranchefile. Notons que si la réfection d’une coiffe n’est pas évidente, celle des tranchefiles dans beaucoup de cas l’est encore moins. De fait, celles-ci depuis ont depuis bien longtemps une fonction essentiellement décorative mais pratiquement pas mécanique. Dans la mesure ou l’unité esthétique du livre n’est (dans beaucoup de cas) que peu diminué par leur absence, il n’est souvent pas jugé utile de les refaire alors qu’au contraire leur confection entraînera un temps de traitement considérablement allongé. Encore une fois, ce n’est qu’après une analyse critique de l’objet ou de la collection que des priorités de ce type pourront être dégagées.

En ce qui concerne les adhésifs employés, lorsque le papier est en contact avec le cuir, l’amidon et la Klucel G peuvent être utilisés conjointement : l’amidon, sous forme d’eau de colle, pour conserver au papier une certaine humidité qui permet un façonnage aisé et la Klucel G (hydroxy propyl céllulose) qui est enduite sur le coté du papier en contact avec le cuir ancien. En effet, si toute humidité apportée intempestivement est très dommageable à un cuir ancien, l'utilisation de Klucel G en solution alcoolique permet par un bon contrôle du traitement d'éviter un noircissement du cuir. Son utilisation garanti en outre un bon degré de réversibilité.

La mise au ton, qui s'appliquera à laisser le traitement visible sans équivoque tout en laissant l'aspect esthétique (valeur d'art) de l'objet lisible ou la retouche, degré plus poussé qui doit se situer au seuil de la restitution illusionniste peut alors être effectuée. Il faut noter que ni l'une ni l'autre n'est obligatoire. En fonction des priorités établies elles pourront être faites plus tard, ponctuellement sur quelques ouvrages choisis. Néanmoins, une mise au ton est le plus souvent demandée. Il faut noter que lorsque celle-ci est effectuée avec des peintures acryliques, ces dernières peuvent améliorer le traitement, d'un point de vue physico-chimique. Il a été établi que les papiers ainsi enduits résistent mieux au test du double pli et à la traction que ceux non enduits. Par ailleurs, ces peintures réputées pour leur stabilité ont montré, dans le cadre de l'expérimentation qu'elles présentaient un écran de protection aux polluants et ainsi limitaient la dégradation du papier enduit .

 

 

 

1 Cf. références données dans la note n°4 ainsi que les articles suivants : ESPINOSA (R), BARRIOS (P) : "Joint tacketing : A method of board reattachment", The book and paper group annual, AIC BPG, Washington D.C., Volume 10, 1991, p. 78-83.
GRANDINETTE (M), SILVERMAN (R) : "Book repair In the USA : A library-wide approach to conservation", in La conservation :Une science en evolution. Bilans Et Perspectives, Actes des troisièmes journées internationales d’études de l’ARSAG. Paris,1997, ARSAG, Paris, 1997, p. 274-280.retour au texte

2 Il s’agit d’une colle très diluéeretour au texte
3 Le papillon est très discret sur un papier verger ancien mais au contraire sera très visible sur un papier marbré glacé.retour au texte

4 Un "bâti" est constitué d'un support et d'un fil qui l'entoure en passant au milieu de chaque cahier (le plus souvent sous la chaînette). Ceci confère à cette partie une grande solidité, au contraire d'une tranchefile dont le maintien au corps d'ouvrage n'est assuré que par deux, trois, cinq (au maximum) passages dans le milieu d'un cahier.retour au texte

 

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Conclusion

Les cuirs modernes de tannage végétal ne remplissent pas toujours les critères de conservation requis. Leur faible permanence est souvent attestée. Pour d’autres cuirs, y compris ceux dont la réputation est meilleure comme ceux tannés à l’alun ou au chrome, outre leur emploi parfois problématique pour des raisons de couleur pour les premiers ou d'hydrophobie pour les seconds leur stabilité chimique est parfois aussi aléatoire.

Les traitements effectués avec le cuir sont toujours longs, délicats, induisent un degré d’intervention important et présentent un mauvais degré de réversibilité 1. Or, lorsque la stabilité du cuir n'est pas sûre, ce problème devient crucial (il convient d'attirer l'attention sur les nombreux traitements effectués au cours du XIXème et XXème siècle qu'il nous faut aujourd'hui déposer et refaire).

En revanche pour un traitement complet qui peut qui peut s’accomplir beaucoup plus rapidement (de 50 à 70% de temps en moins), les papiers japonais montrent des qualités satisfaisantes de stabilité chimique et de résistance mécanique. Leur mise en œuvre autorise en outre un traitement minimal qui garantit un excellent degré de réversibilité. Ces traitements constituent donc une réelle alternative à ceux utilisant le cuir. Ils permettent de résoudre de nombreux problèmes mécaniques, de maîtriser le degré de réintégration visuelle des restaurations et de concrétiser pleinement la réflexion sur les valeurs accordées à l’ouvrage ou à la collection.

Ils peuvent se décliner en interventions minimales ou plus abouties. Les premières rapidement effectuées peuvent rester très visibles. Elles seront destinées plus particulièrement aux livres dont les valeurs d’usage sont prépondérantes. Toutefois, leur visibilité pourra aussi les affecter à des ouvrages dont l'intérêt archéologique est évident.

Des traitements plus aboutis peuvent aussi être menés, tant du point de vue du façonnage que du travail de mise au ton ou de retouche, moins perceptible.

 

L'utilisation des papiers japonais permet une approche qui autorise de nouvelles orientations dans une politique de conservation-restauration des livres par différents aspects.

Les ouvrages, souvent individualisés par la "restauration traditionnelle", séparés du contexte général de la collection et de la bibliothèque, peuvent être alors considérés en tant que parties d’ensembles cohérents. Par ailleurs il est possible de réaliser des traitements de prévention grâce à une mise en oeœuvre modulée simple et rapide. Enfin, cette approche donne l’opportunité de traiter des ouvrages ou corpus d’un intérêt intellectuel ou esthétique relatif présentant un état de conservation problématique dont le traitement effectué avec une approche et des méthodes traditionnelles serait trop coûteux. Il faut bien noter que le papier japonais est un matériau qui autorise une approche plus générale et des techniques particulières mais ne constitue pas en soi une technique, ce à quoi il est souvent assimilé. A l’instar de l’utilisation du cuir, un traitement fait avec ces papiers pourra être d’une grande finesse, d’une grande fragilité ou bien d’une grande résistance. Le résultat ne dépendant uniquement que de l’objectif fixé et des compétences du technicien.

 

 

1 Ces aspects sont notamment liés au soulèvement des parties anciennes, au façonnage du cuir neuf sous le cuir ancien et à l'incrustation de ce dernier dans le cuir neuf. retour au texte