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in Actualités de la conservation, n° 16, janvier-avril 2002
L’estampille, marque d’appartenance d’un document à une bibliothèque, constitue également un moyen de dissuasion efficace contre le vol ; sa présence sur le document est de ce fait depuis longtemps un fait acquis. Mais si aujourd’hui les méthodes d’estampillage des supports papiers sont généralement bien éprouvées, il n’en est pas de même pour les nouveaux supports audiovisuels qui pourtant se doivent eux aussi d’être marqués.
Le problème se pose tout particulièrement pour les disques optiques (CD audio, CD-ROM, CD-R, DVD…) dont la pérennité peut être compromise par des interactions chimiques avec d’autres matériaux, et dont la lecture est extrêmement sensible aux moindres déformations mécaniques.
L ’objet de cette étude, initiée par le département de l’Audiovisuel, était de proposer un estampillage des disques optiques qui soit à la fois facile à mettre en œuvre, indélébile et chimiquement inerte pour le support tout en respectant les exigences fixées par les normes pour les CD et les CD-R.
Une gravure dans la zone centrale du disque, dépourvue d’enregistrement, semblait être la méthode la plus appropriée. Des essais expérimentaux de gravure mécanique par rayure ou micro-fraisage ont été conduits par le passé dans le cadre du programme de recherche sur la conservation des documents audiovisuels. Concluants d’un point de vue technique, ils étaient difficiles à reproduire à une échelle industrielle (manipulation complexe, bruit).
Une nouvelle génération de machines de gravure employant la technologie du laser, silencieuses et simples d’utilisation, a permis de reconsidérer la question. Une étude a été menée sur les échantillons de disques gravés qui s’est faite en deux temps :
L’ensemble de ces analyses a abouti au choix puis à l’acquisition en février 2002 d’un appareil de gravure automatisé permettant un marquage en série.
Actuellement, plusieurs méthodes de marquage sont d’usage courant : feutre, impression jet d’encre, étiquetage. Toutes présentent des inconvénients :
La gravure, en inscrivant l’appartenance dans la matière du disque sans y apposer de corps chimique étranger, permet seule de parer à ces risques. Mais la surface de la zone centrale dite " clamping area ", pour assurer une préhension et une rotation correctes dans le lecteur, doit répondre à des contraintes strictes de planéité (+/-0.1 mm) et de parallélisme des deux faces (+/-0.2 mm). La gravure doit donc être suffisamment fine pour que ces facteurs soient respectés mais suffisamment profonde pour être reconnaissable.
Des puissances de laser variables ont été testées, allant de 10 à 40 Watts.
A 20 Watts, on obtient des résultats parfaitement lisibles, même sur les disques non sérigraphiés dans la zone de marquage ; c’est cette puissance qui par conséquent a été retenue.
L’analyse de l’état de surface des disques gravés a été faite par la société Tassin Instruments à l’aide d’une station de micromesure munie d’un capteur optique CHR150 (Société STIL).
L’appareil utilisé fonctionne sur le principe de l’interferométrie en lumière blanche véhiculée par une fibre optique ; il n’existe donc aucun contact direct entre l’instrument de mesure et l’objet lors de l’analyse.
Plusieurs sortes d’images peuvent être obtenues par cette technique. Celles qui nous intéressent donnent une vue topographique en 3 dimensions extrêmement précise de la surface de l’objet.
Des mesures ont ainsi été réalisées sur deux types de CD-R : l’un est totalement recouvert par la sérigraphie (photographie n°1) tandis que l’autre en est dépourvu dans l’aire centrale qui de ce fait, paraît transparente (photographie n°2).
Photographie n°1 : disque compact sérigraphié
dans l’aire centrale, estampillage au laser |
Photographie n°2 : disque compact non
sérigraphié dans l’aire centrale, estampillage au laser |
L’analyse topographique montre clairement que l’effet du laser sur les deux types de disques est très différent :
La profondeur de la gravure observée sur le premier disque (15mm environ) ou la hauteur de la boursouflure sur le deuxième disque (inférieure à 4 mm) restent très largement en deçà des valeurs d’irrégularité tolérées par le " Red Book " (+/- 100 mm).
Image 1 : représentation 3D de la
surface du CD-R n°2 avec codage de l’altitude par la couleur |
Image 2 : représentation 3D de la
surface du CD-R n°4 avec codage de l’altitude par la couleur |
Ainsi, le marquage au laser, réglé à une puissance de 20 Watts, ne devait pas altérer de façon significative la bonne préhension ou la rotation des disques dans le lecteur. Pour s’en assurer, des études complémentaires d’analyse du signal et de déviation ont ensuite été menées.
L’analyse des disques marqués sur un analyseur de paramètres électriques CD-CATS a permis de vérifier le caractère extrêmement ponctuel de l’échauffement induit par le laser. Un marquage à la périphérie de la zone non enregistrée reste sans conséquence sur les taux d’erreurs constatés avant et après mise en jeu des mécanismes de correction.
En revanche, ce marquage augmente de manière significative - quoique modeste - la déviation du disque en rotation par rapport au plan horizontal de référence. La conséquence en est une sollicitation accrue du mécanisme d’asservissement radial du bloc de lecture. Au-delà d’un certain seuil, la correction deviendrait impossible. Cependant, un marquage limité à un petit nombre de caractères (6 par exemple) et réparti de manière symétrique autour du centre permet de contenir cette incidence très en deçà des limites fixées par la norme : +/- 0.5 mm (voir graphe 1).
Graphe 1 : déviation d’un disque en rotation par
rapport au plan horizontal avant
(courbe en pointillés) et après (courbe pleine)marquage au laser en
fonction de la distance
par rapport au centre du disque
La machine est pilotée via une application graphique courante du type Corel Draw, de la même manière qu’une imprimante. Une machine dotée d’un plan de gravure de 450 x 300 mm permet de marquer 6 CD simultanément en 1 minute et demie. Un aspirateur placé à proximité de la tête laser mobile aspire les particules dégagées. Grâce à cette méthode, plus de 7.000 CD-ROM appartenant au département de l’Audiovisuel ont reçu l’estampille BnF en un mois et demi. |
Graveur laser |
Thi-phuong Nguyen, DSR/DSC/ CTBnF, laboratoire
Alain Carou, Département de l'audiovisuel