Désacidification

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Désacidification de masse appliquée
à un manuscrit

in Actualités de la conservation, n° 15, mai-décembre 2001

En octobre 2001, la bibliothèque des Langues orientales de Paris a confié au centre de Sablé un manuscrit du 19e siècle pour être désacidifié. C'était la première fois qu'une désacidification par traitement de masse devait être effectuée sur ce type de document.

Ce manuscrit, déposé en Avignon en 1867, mais dont la date de copie n'est pas connue, est constitué de 650 feuillets volants enveloppés dans une reliure à rabats en cuir. Ces feuillets sont en papier vergé filigrané, probablement d'origine occidentale (le filigrane est constitué de 2 lettres de l'alphabet latin), avec sans doute une écriture à l'encre de chine noire et rouge. Le papier était très jauni, présentait des traces de mouillure ancienne, quelques attaques de vrillette (insecte xylophage) et des marges très fragilisées, surtout en début et fin de volume.

Le pH de surface avant le traitement était de 3.5. Après traitement, ce pH était remonté à 7.2 donc proche de la neutralité ; d'autre part une petite réserve alcaline a été déposée dans le papier afin de stopper sa dégradation acide. Le coût du traitement pour ce volume a été d'environ 50F, alors que s'il avait fallu le désacidifier manuellement (à l'aide d'une bombe aérosol par exemple) le coût en aurait été multiplié par 100.

Par ailleurs, il nous a été demandé de microfilmer ce document. Les feuillets les plus fragiles ont été glissés dans une enveloppe transparente avant la prise de vue. Puis l'on a procédé au renforcement des feuillets qui s'effritaient par un doublage au papier japon 5gr/m2, sur une seule face avec de la colle Klucel (en solution dans l'alcool). Ces documents et son étui à rabats devaient être ensuite placés dans une boîte de conservation. L'original de ce document ne devrait être communiqué que de façon très exceptionnelle.

Ce même procédé avait déjà été utilisé, il y a six mois, pour le traitement de quelques feuillets d'un catalogue de papier peint de l'époque révolutionnaire, provenant du département des Estampes. Ces feuillets comportaient des mentions manuscrites à l'encre ferro-gallique, très acide, qui par endroit, avait transpercé le papier.

Il a été possible de cette façon de ralentir très notablement la fragilisation du papier sur les zones écrites. Ces feuillets ont ensuite été doublés au verso de la même façon que le manuscrit arabe. Il nous est apparu que la désacidification par traitement de masse (procédé non aqueux) était une solution adaptée aux documents réalisés avec une encre ancienne alors qu'elle ne l'est pas forcément pour ceux réalisés avec des encres modernes qui ont tendance à couler (feutre, stylo bille etc.).

Cette méthode a le mérite d'être rapide et économique.

 

Alain Lefebvre, Centre technique de Bussy-Saint-Georges/laboratoire