Protocole d'agrément des imprimantes
pour la conservation des documents d'imprimerie

Etude présentée par la Laboratoire National d'Essai (LNE), Archives nationales de France, Paris, avril 2001

in Actualités de la conservation, n° 14, janvier-avril 2001

De nombreux documents imprimés à partir d'imprimantes bureautiques s'effacent rapidement. Telle est la constatation faite par le Ministère de la Justice et qui a donné lieu à une étude réalisée par le LNE et financée par la Mission de la Recherche et de la Technologie du Ministère de la Culture.

L'utilisation de nouvelles techniques d'impression, la méconnaissance de la conservation de ces documents imprimés ainsi que l'impératif de conservation à long terme des documents officiels (qu'ils soient documents d'archives ou de consultation) ont motivé la réalisation de cette étude.

Méthodologie

L'élaboration de ce protocole d'agrément a été menée en trois phases, de juin 1998 à novembre 2000.Une phase bibliographique (1998) a consisté à recenser 90 textes normatifs, dans le but de définir un cahier des charges. Ensuite, l'application du cahier des charges aux facteurs de dégradation les plus critiques a constitué la phase expérimentale (1999-2000) . Finalement, une phase de conclusion (2000) a été menée afin de définir des spécifications (contraste, densité optique, résolution et résistance au déchirement) en matière de conservation des documents pour les imprimantes testées.

 

Phase bibliographique

Cette phase visait à identifier les facteurs responsables de la dégradation des documents imprimés, comme l'exposition à la lumière solaire, l'usure par frottement, la migration des encres, l'exposition accidentelle à l'humidité, le contact à la sueur, le vieillissement naturel du document à l'obscurité (en condition d'archivage), l'environnement défavorable (température ou humidité relative basse ou élevée), etc. pour définir des méthodes de simulation de vieillissement des documents. Au cours de cette étape, les moyens techniques (enceintes de vieillissement à la lumière et climatique, abrasimètre, sueur synthétique), ainsi que les conditions d'expérimentation (durée, température, etc.) ont pu être précisés. Une fois ces paramètres choisis, l'étude bibliographique a permis de sélectionner des méthodes d'évaluation de l'aptitude à la conservation des documents imprimés. Les propriétés optiques (densité, contraste, couleur, résolution, aspect visuel) et mécaniques (résistance à la déchirure, à la traction, etc.) représentent les critères choisis pour déterminer l'aptitude des documents vieillis à se conserver, et de ce fait, d'accorder l'agrément à une imprimante donnée. En parallèle, une étude de marché représentative du marché français a permis de sélectionner les papiers et les imprimantes à tester.

A l'issue de cette phase, un cahier des charges a été rédigé, dans lequel on retrouve le choix des facteurs de dégradation, l'application des méthodes de vieillissement et des méthodes d'évaluation de l'aptitude à la conservation, ainsi que les spécifications en matière de conservation pour les imprimantes.

L'étude a été conduite à partir de deux types de papier (papier permanent ISO 9706 et papier permanent et durable ISO 11108) et de trois technologies d'impression représentées par 5 imprimantes (2 jet d'encre, 2 laser  et une matricielle ) et de deux types d'encres : encre basse conservation (grand public) et encre haute conservation (conforme à la norme BS3484).

 

Phase expérimentale

Cette phase visait à appliquer le cahier des charges à six facteurs de dégradation avec des conditions de simulation variables pour chacun, pour ne retenir que les facteurs les plus pertinents :

  • exposition à la lumière du jour derrière une vitre (5 durées : 1,5 à 13,5 jours à 463 W/ m2 , durées de vieillissement simulées : 142 à 1280 ans) ;
  • simulation de l'usure par frottements (abrasimètre, meule douce, 8 cycles de 100 à 1000 tours) ;
  • migration des encres (pression de 7000 Pa et vieillissement en étuve à 47°C et 60% HR) ;
  • simulation de contact accidentel à l'eau ( 2 modes d'exposition : humide ou immersion, soit 24 heures entre papiers absorbants humides ou en immersion 10 minutes sous 7000 Pa ;
  • contact à la sueur (2 types de sueurs artificielles : acides ou basiques, 24 heures, entre papiers absorbants humides) ;
  • vieillissement accéléré à l'obscurité, à différentes conditions thermohygrométriques.

Les documents imprimés ont ensuite été évalués selon les critères définis précédemment et les résultats exploités, de façon à ne retenir que les facteurs de dégradation les plus critiques. Les quatre postes de vieillissement suivants ont été retenus, sur le seul papier permanent ISO 9706 :

  • exposition à la lumière du jour  (9 jours à 463 W/ m2 , permet de simuler un vieillissement de 850 ans) ;
  • usure par frottements (frottement pendant 250 tours, sous meules douces) ;
  • exposition à l'eau (le mode par humidification a été choisi) ;
  • vieillissement à l'obscurité dont les conditions de vieillissement artificiel suivantes ont été choisies : papiers imprimés avec imprimantes jet d'encre et matricielle : 24 jours, 90°C et 50% HR ;
    papiers imprimés avec imprimantes laser : 28 jours , 47°C et 50% HR.

Phase de conclusion

On a déterminé pour chaque spécification décrite précédemment (densité, contraste, résolution, résistance au déchirement et résistance à la rupture) trois niveaux de tolérance : haut, intermédiaire et bas. Ces spécifications ont ensuite été appliquées aux 5 imprimantes sur les 4 postes de vieillissement retenus. Un coefficient pondérateur a été appliqué aux quatre postes de vieillissement. La somme des points obtenus sur chaque poste pondérés par les coefficients a conduit au calcul du nombre de points obtenus par l'imprimante (note sur 15). Après le calcul, les imprimantes peuvent être réparties dans des classes de conservation bien définies :

  • Classe 1 très bonne tenue, note > 13,5
  • Classe 2 bonne tenue, note > 12,0
  • Classe 3 assez bonne tenue, note > 10,5
  • Classe 4 tenue moyenne à insuffisante, note < 10,5

Il est proposé que les imprimantes de classe 1 et 2 obtiennent l'agrément et que celles des classes 3 et 4 soient refusées.

 

Conclusion

Quatre imprimantes sur cinq passent l'agrément. La meilleure obtient une note de 13,7 et appartient à la classe 1. Les trois imprimantes suivantes avec des notes respectives de 13,1, 13,0 et 12,8 appartiennent à la classe 2. Finalement, une seule imprimante n'a pas obtenu la note de passage et se retrouve dans la classe 4 (note : 8,6). On a donc une imprimante de classe 1, trois imprimantes de classe 2 et une imprimante de classe 4.

L'auteur a ajouté que pour renforcer la validation du protocole, il faudrait disposer d'un éventail plus large d'imprimantes et de papiers.

En conséquence, il conviendra de faire évoluer ce protocole d'agrément à la lumière des résultats obtenus sur les futures imprimantes proposées à l'agrément par les constructeurs.

 

Perspectives

Le Ministère de la Justice, de concert avec le Service technique de la Direction des archives de France doivent mettre en place très prochainement une procédure de protocole d'agrément des imprimantes, propre à l'administration publique. Ainsi, les fabricants devront soumettre au LNE les imprimantes à tester, afin d'obtenir l'agrément.

 

 

Nathalie Buisson, Centre technique de Bussy-Saint-Georges, laboratoire

 

Le rapport de cette étude est disponible et peut être consulté au Service technique de la Direction des archives de France sur simple demande.