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La recherche pour la protection, la conservation
et la mise en valeur du patrimoine culturel

4ème conférence de la commission européenne, Strasbourg, 22-24 novembre 2000

in Actualités de la conservation , n° 13, septembre-décembre 2000

 

Présentation

Après Rome, Aix la Chapelle et Saint Jacques de Compostelle, Strasbourg a accueilli cette 4ème conférence, avec le soutien de la Direction Générale Recherche de la Commission européenne, de la Mission de la Recherche et de la Technologie du Ministère de la Culture et de la Communication (en partenariat avec la Fondation Maison des sciences de l'homme et Relais Culture Europe), de la Ville de Strasbourg, de la Communauté urbaine de Strasbourg et du Conseil général du Bas-Rhin..

Les objectifs de la conférence s'inscrivent dans le 5ème Programme-cadre (1998-2002) de recherche et développement (PCRD) de l'Union européenne, sur les axes suivants : promouvoir la protection, la conservation et la mise en valeur du patrimoine culturel européen, encourager la participation des entreprises européennes, mobiliser les administrations et les organisations concernées, promouvoir les coopérations au niveau recherche et transferts de technologies.

Le public concerné va du chercheur au partenaire industriel, et comprend aussi bien les fabricants et fournisseurs de produits et d'équipements que les gestionnaires de l'exploitation du patrimoine culturel et de sa maintenance, sans oublier les utilisateurs. Vingt pays étaient représentés par plus de 260 participants (environ 1/3 de France).

Actuellement 80 projets de recherche en cours, bientôt complétés par 10 nouveaux projets regroupent 200 institutions de recherche pour la protection du patrimoine mobilier et immobilier.

Les perspectives vont vers la création d'un espace européen pour renforcer la cohérence des recherches européennes, la mise en réseau de programmes nationaux, la mise en œuvre des grands projets et d'un réseau de laboratoires. La conférence permet d'associer les différents acteurs pouvant aider à cette mise en place, et développer les meilleures performances conduisant à une participation internationale. L'accent est mis sur l'importance de la pluridisciplinarité des actions, des acteurs et des utilisateurs finals du patrimoine culturel.

La conférence a été organisée en six sessions parallèles sur trois demi-journées autour de six thèmes :

  • A.- Comment évaluer les dommages dus à la pollution et équilibrer coûts et bénéfices ?
  • B.- Quelles applications pour les technologies optiques dans le domaine de la conservation du patrimoine culturel ?
  • C.- Comment concilier développement durable des villes et préservation du patrimoine culturel ?
  • D.- Matériaux de conservation : compatibilité de traitements, retraitement, réversibilité ?
  • E.- Microclimats dans les musées, églises, bibliothèques et archives : pour le meilleur ou pour le pire ?
  • F.- Comment concilier le tourisme avec l'exploitation et la gestion durables du patrimoine culturels ?

Parmi les nombreux projets et études présentés en sessions parallèles, ont été sélectionnés un peu arbitrairement ceux touchant ou s'approchant plus particulièrement des préoccupations et des axes de recherche poursuivis par les équipes de la Bibliothèque nationale de France. Une revue rapide dégageant quelques éléments dominants en est donnée ci-après.

 

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Session A : L'ozone dans les musées : un problème
d'environnement intérieur

Projet de F. De Santis sur les espèces corrosives.

L'ozone protège la terre des UV solaires ; elle est présente à 90 % dans l'atmosphère (stratosphère) et 10 % dans la troposphère.

L'ozone au-dessous d'un seuil de 60-80 ppb, a sur l'organisme humain un effet plus ou moins réparateur, cicatrisant. Les questions posées sont d'évaluer l'impact des activités humaines sur la couche d'ozone, comment le réduire, et quels apports peuvent être attendus de la biogénique ? La proposition de la commission européenne est d'arriver à ne pas dépasser le seuil de 60 ppb pendant 8 heures par jour sur des périodes de 20 jours.

L'ozone à haute concentration est dommageable sur les œuvres d'art; différents échantillonnages permettent d'observer dans le temps et dans l'espace, au moyen d'une nouvelle technique fondée sur les caractères oxydants de l'ozone. L'objectif serait de réussir à établir un seuil au niveau des matériaux (l'observation montre que les dommages évoluent parallèlement avec l'accroissement de l'ozone, et que plusieurs valeurs limites apparaissent en fonction des conditions), au niveau des colorants sur le papier, sur les soies, etc.

La mesure de l'ozone à l'intérieur des bâtiments témoigne d'une grande variabilité de la présence du dioxyde d'azote; néanmoins, il apparaît que les isolations mises en place dans les expositions se révèlent protectrices pour les œuvres.

 

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Session B : Éclairage des œuvres d'art / A. Sciolari.

L'approche scientifique après analyse du spectre (couleurs et températures), analyse des surfaces (réflexion des couleurs par la surface et absorption, sensibilité des matériaux), montre qu'il est essentiel d'équilibrer l'éclairage de l'environnement, de contrôler la luminosité et l'espace. L'évolution parle en faveur d'un système intégré (pas encore sur le marché), qui contrôlerait tout automatiquement.

L'approche au niveau de l'atmosphère et de l'ambiance, met en évidence la puissance des lampes, et insiste sur la nécessité de bien contrôler l'émission des IR et des UV, et d'équilibrer la température dégagée.

Création à Florence de la SFACCIATA LIGHTING ACADEMY. http://www.lightingacademy.com

 

Mesures non destructives par laser pour le diagnostic de l'état de conservation de fresques et d'icônes / V. Tornari.

L'enregistrement holographique montre les différences entre les enregistrements photographique et laser; l'interférogramme holographique rend plus apparents les bords et régions endommagés, permet une identification par reconstitution holographique à l'échelle (zoom possible pour mesures précises et détaillées).

Le système est transportable, d'installation légère, facile à apprendre, sécurisant pour l'opérateur. Il permet un accès direct à un diagnostic rapidement structuré, à l'évaluation du dommage et à son évolution.

Autre système sans toucher à l'œuvre et sans échafaudage : le scanner à distance; la numérisation produit les cartes à défauts (Doppler laser avec analyseur FFT et analyseur RMS) ; des vibromètres sont également utilisés.

Ces techniques se révèlent puissantes, libérant ainsi du temps pour la restauration effective.

 

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Session E : Chauffage et conditionnement d'air

Pour une bonne conservation, il est indispensable que la température et l'humidité relative restent invariables ; les problèmes surgissent en fonction des sources de chaleur et de leur répartition. Des tests sur le bois supposé réagir peu aux changements d'humidité relative prouvent le contraire.

Des illustrations du quotidien aboutissent aux conclusions suivantes : le chauffage traditionnel est dangereux; les chauffages par luminaires avec des variations sensibles sont aussi dangereux; l'éclairage dans les vitrines peut «cuire» les matériaux (exemple des momies).

Recherche environnementale pour la conservation
des œuvres d'art (peintures)/ pose de dosimètres

Des tests sont effectués avec des bandes de peintures collées sur un substrat et placées à des expositions différentes; des variations énormes sont constatées dans les sites chauffés seulement au moment des visites (les altérations pouvant être multipliées par 1000), et observées selon l'exposition du dosimètre à la lumière ou non et sur un plan vertical ou horizontal. La dosimétrie appliquée aux œuvres picturales confirme la corrélation entre le vieillissement artificiel et l'observation in situ.

 

Dégradation et conservation de cuirs de tannage
végétal observées sur des livres anciens

Problématique de conservation à grande échelle touchant aussi les livres réparés ou reliés depuis quelques décennies. Plusieurs étapes comprenant des exemples de pourrissement de reliures cuir pris comme base d'étude, l'analyse comparative de peaux vieillies artificiellement et de peaux traitées, l'état des cuirs en fonction de leur stockage et de leur conservation, les nouveaux cuirs tannés «végétalement» testés sur leur qualité et leur durabilité (vieillissement artificiel), les cuirs teintés avec des colorants de différents tanins. Une conclusion préalable permet d'affirmer que les cuirs moins tannés et ceux tannés au mode végétal résistent mieux, qu'il n'existe pas de standard au niveau du vieillissement, mais une forte implication de l'oxygène et des températures.

 

Travaux sur l'environnement / conservation des cuirs
de tannage végétal

Evaluation et développement de méthodes à long terme pouvant aboutir à des recommandations sur le stockage. Ces travaux ont porté sur les traitements (sels tampons, consolidants, alkoxydes d'aluminium, lubrifiants), les matériaux d'étude (cuirs historiques, cuirs neufs, cuirs neufs vieillis artificiellement), un vieillissement artificiel en cycles prenant en compte chaleur et pollution, des analyses (stabilité hydrothermique, PH, anion, acides aminés totaux, tanins), des tests mécaniques, et l'observation des résultats suivant les différents traitements. Quelques conclusions ou premières recommandations pour veiller aux bonnes conditions de conservation : un niveau de pollution faible (SO2 < 0,06 ppb), des conditions hydrothermiques stables, un faible niveau de radiation UV.

 

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Table ronde :

Vers un partage entre le secteur public et le secteur privé pour garantir la préservation du patrimoine culturel européen

Un débat associant des personnalités de plusieurs pays qui ont pu à travers des exemples et des témoignages d'expériences, donner un état de la réflexion et de certaines actions engagées. Elles peuvent être résumées comme suit :

En France, la sphère publique est prépondérante pour le patrimoine qui est surtout public.

En Italie, la voie vers la réussite nécessite plus de partenariats.

A Strasbourg, plusieurs exemples (Cour des Corbeaux, Cinéma Place Kléber) témoignent des difficultés d'associer le privé, par les contraintes imposées en respect du patrimoine, et des «prescriptions» trop lourdes. En outre, les «publics» semblent peu enclins à voir le privé s'emparer des bâtiments publics.

Au Royaume Uni, pour la recherche des partenariats, une grande fondation (National Trust) rassemble les ressources humaines et financières; mais il faudrait faire plus pour réunir l'ensemble des acteurs du patrimoine, notamment du côté des petites associations. Les collectivités privées et publiques travaillent ensemble pour susciter une plus forte participation et implication des personnes pour soutenir et aider à la connaissance du patrimoine et à son maintien.

Au Vatican, le recours au bénévolat est un moyen de défendre le patrimoine; une commission pontificale, consciente de la nécessité de convaincre et de former les fidèles à ces opérations de sauvegarde du patrimoine, a adressé une lettre aux évêques, les rendant responsables des biens des diocèses.

En conclusion, les formations et les informations s'avèrent incontournables, tout comme les innovations technologiques, et doivent s'appuyer sur une théorie des valeurs du patrimoine culturel.

Une bourse d'échange organisée par Relais Culture Europe a suivi cette conférence, permettant les contacts pour le développement des projets, et favorisant les échanges notamment en transferts de technologie.

La prochaine (Ve) Conférence aura lieu en 2002.

Pour toutes informations détaillées sur la conférence, les programmes et projets de recherche, consulter  le numéro spécial bilingue français-anglais, coédité par la Commission européenne et le Ministère de la culture et de la communication (European Newsletter of Cultural Heritage et Culture & Recherche) :

"Patrimoine culturel européen : recherches et innovations". Culture et Recherche. 2000, n°79-80, juil.-oct.

Contacts et adresses de références :

Mél : astrid.brandt@culture.fr

Mél : info@relais-culture-europe.org

http://www.culture.fr/culture/mrt/

http://www.cordis.lu/

Simone Lamarche, CTBnF, Direction