The iron gall ink meeting

Newcastle upon Tyne, 4 - 5 septembre 2000

in Actualités de la conservation, n° 12, mai-août 2000

Ces deux journées d'étude, qui se sont tenues à l'université de Northumbria (Faculty of Art and Design) à Newcastle upon Tyne (GB), ont été l'occasion d'établir un bilan récapitulatif de l'état des recherches sur la corrosion des documents d'archives et de bibliothèques provoquée par les encres ferrogalliques. Le colloque s'est articulé autour de trois thèmes :

Composition des encres ferrogalliques

Bien que toujours constituées des mêmes composants de base (sulfate de fer, noix de galle, gomme), les formulations des encres ferrogalliques ont connu depuis leur invention de très nombreuses modifications. L'ajout, sans cesse renouvelé, d'ingrédients divers visant à modifier leurs propriétés optique ou physique, ainsi que la variété des modes de fabrication en font un matériau très disparate. Les premières interventions ont mis l'accent sur la complexité de ces encres et par là même, les difficultés que peuvent rencontrer scientifiques et restaurateurs pour les identifier et les analyser.

Le « copy press process », présenté par Rachel Ray Cleveland illustre bien ce problème : ancêtre du procédé de transfert à l'alcool de notre enfance, le « copy press process » a connu une longue période de gloire allant de la fin du 18ème siècle jusqu'au milieu du 20ème siècle. Il utilise une encre ferrogallique dont la formulation a considérablement varié au cours des années , selon la marque et le pays de fabrication (Grande-Bretagne, France, Allemagne, Etats-Unis).

 

Pour caractériser et étudier le comportement de ces encres, de très nombreuses méthodes d'analyse existent, qui vont du simple examen visuel à l'utilisation d'appareils physico-chimiques complexes. Comme l'a souligné Jane Colbourne de l'université de Northumbria, ces méthodes d'analyse fournissent des renseignements différents mais toutefois complémentaires.

 

A également été présenté lors de ce colloque, un procédé très intéressant mis au point par Han Neevel (Netherland Institute for Cultural Heritage), qui permet d'identifier rapidement une encre ferrogallique. Il s'agit d'un indicateur papier humidifié que l'on pose sur la zone encrée ; en présence d'ions ferreux (Fe2+), il se forme un complexe de couleur rose. Cet indicateur doit toutefois être utilisé avec précaution puisqu'il peut réagir positivement avec tous les types de matériaux contenant ou ayant été mis en contact avec du fer (y compris avec une encre non ferrogallique conservée dans un pot en fer !).

 

Corrosion du papier provoquée par les encres ferrogalliques

En présence d'une encre ferrogallique, la cellulose du papier peut subir deux types de réactions chimiques :

  • une hydrolyse provoquée par l'acide sulfurique (issu de la dissociation du sulfate de fer)
  • une oxydation engendrée et catalysée par les ions ferriques (Fe3+) et ferreux (Fe2+). Ces réactions se manifestent physiquement par une fragilisation du papier dans les zones encrées qui peut aboutir à une perte de matière.

Afin de faciliter les prises de décisions relatives à la préservation de ce type de documents, une classification de leur degré d'altération a été établie par l'équipe du Netherland Institute for Cultural Heritage3. Basée essentiellement sur des critères visuels, elle permet de déterminer de manière simple et rapide l'état de dégradation d'une collection et d'adapter les traitements et les conditionnements appropriés. Ce système de classification est actuellement adopté par la plupart des musées, archives et bibliothèques hollandaises.

 

Traitements curatifs et préventifs

Plusieurs cas concrets de restauration et de traitement préventifs des documents contenant des encres ferrogalliques ont été présentés lors de ce colloque. Auparavant systématiques, ces interventions sont aujourd'hui plus mesurées voire minimalistes.

Traitements curatifs

L'ensemble des intervenants s'accordent pour dénoncer la nocivité des traitements totalement aqueux : risque de diffusion de l'encre, effets de tension favorisant l'apparition de craquelures sur le papier, extraction de certains composés hydrophiles entraînant un ternissement de l'encre etc. Afin d'éviter ces effets, les mélanges eau / éthanol ou eau /isopropanol sont recommandés.

D'autre part, des études menées par l'équipe de Gerhard Banik (Staatliche Akademie der Bildenden Kunst), montrent que les traitements d'encollage ou de doublage utilisant de la colle d'amidon accélèrent la dégradation de la cellulose. A cause très probablement de son caractère très hygroscopique, l'amidon apporterait de l'eau aux encres sous-jacentes ce qui favoriserait les phénomènes d'hydrolyse. Birgit Reißland préconise donc l'utilisation de colles moins hygroscopiques à base d'éther cellulosiques comme la Tylose ou la Klucel. La gélatine en revanche, semblerait avoir des effets plutôt bénéfiques sur les encres ferrogalliques.

 

Traitements préventifs

Deux méthodes de traitement préventifs ont été débattues lors de ce colloque.

 

La première consiste à désacidifier les documents par des solutions aqueuses ou alcooliques de sels alcalins (sels de magnésium, calcium ou barium). Une étude, présentée par John Fields, chimiste au British Museum, sur une série de documents du département des imprimés et des manuscrits et désacidifiés dans les années 1960 par de l'hydroxyde de barium en solution alcoolique, montre que le pH de ces documents a depuis lors diminué d'environ 3 unités. Bien que certains d'entre eux soient aujourd'hui légèrement acides, leur état général est globalement très satisfaisant.

Il faut toutefois savoir que le complexe Fer/tannin qui confère sa coloration foncée à l'encre ferrogallique n'est stable que dans la zone des pH compris entre 5,5 et 8,5. Un traitement de désacidification aboutissant à une alcalinité trop importante (durant le traitement ou après séchage) peut donc favoriser la dissociation de ce complexe et par là même, provoquer un affadissement de l'encre.

 

Le traitement au phytate, mis au point par Han Neevel, semble être un complément prometteur au traitement de désacidification. Le phytate forme avec les ions ferreux ou ferriques un complexe très stable qui réduit leur pouvoir catalytique dans les réactions d'oxydation de la cellulose. Ce traitement présente toutefois encore un inconvénient majeur, il s'effectue en milieu aqueux (le phytate actuellement utilisé n'étant soluble que dans l'eau). Des recherches sont en cours pour remplacer l'eau par un solvant alcoolique.

Par ailleurs, le complexe phytate/fer n'est pas stable en milieu acide ; tous les documents traités avec ce produit doivent donc également être désacidifiés.

 

 

 

Thi-Phuong Nguyen, Centre technique de Bussy-Saint-Georges, laboratoire