Politique de conservation

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Politiques et techniques
de conservation au Québec

Rapport de mission, avril 2000

in Actualités de la conservation, n° 12, mai-août 2000

Une mission menée au Québec les 17-18 et 20 avril 2000 a permis de mieux connaître les politiques de conservation en vigueur au Québec et d'évaluer les techniques utilisées. Les problèmes de conservation figurent au premier plan des préoccupations des institutions patrimoniales québécoises. Aussi, bien que disposant de ressources limitées, les programmes de conservation élaborés comportent un degré d'intégration élevé. En matière de désacidification de masse, le Québec a fait son choix (Bookkeeper) en comparant les effets secondaires visibles des différents procédés.

Les visites et rencontres ont eu lieu dans les institutions suivantes : Division des archives de la ville de Québec, le 17 avril, Centre de Conservation du Québec, le 18 avril, Bibliothèque nationale du Québec, le 20 avril 2000 1.

 

Sommaire

Archives de la ville de Québec

La Division des archives de la ville de Québec est investie d'une double mission : la conservation des archives dans les meilleures conditions possibles et la communication de ces documents. Madame Ginette Noël, Directrice de la Division des archives au Service du greffe, a fait une présentation des différentes activités de conservation pratiquées aux Archives.

 

Programme de maintenance et d'entretien

Les aires de stockages sont dépoussiérées régulièrement et un contrôle est effectué après chaque dépoussiérage. La Division s'assure également que les produits d'entretien et la peinture ne dégagent pas de vapeurs nocives, surtout dans les réserves.

 

Programme de surveillance
des conditions climatiques

Le contrôle des conditions environnementales (T°, HR, lumière et qualité de l'air) se fait de façon rigoureuse. Par exemple, dans la chambre forte des manuscrits, cartes et plans, la température est maintenue entre 18° et 20°C et l'humidité relative se situe à 40% _ 5% 2, tandis que celle des microfilms originaux se maintient à 10° _ 2°C et HR à 35% _ 5%. Le rayonnement ultraviolet lors d'exposition et dans les réserves doit se situer autour de 50 lux et dans les autres locaux, le maximum peut atteindre 100 lux. Des thermohygrographes placés dans les aires de rangement enregistrent quotidiennement les données relatives à la température et à l'humidité relative. Les documents sont protégés des rayonnements ultraviolets par des manchons anti-uv pour les fluorescents, contenants de protection pour l'entreposage et par des rideaux en coton de couleur écru placés devant les rayonnages. Des mesures du rayonnement ultraviolet et de l'intensité lumineuse dans les locaux se font sur une base régulière. Une fois par année, une analyse de la qualité de l'air est faite, par une société extérieure.

 

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Programme de dépistage des insectes

Ce programme permet de détecter les premiers signes d'une infestation d'insecte et de la combattre efficacement. Une inspection visuelle est faite tous les matins dans les réserves. Les pièges adhésifs sont vérifiés tous les mois et remplacés tous les six mois. Un examen attentif est effectué lors du retour des documents dans les réserves, lors d'acquisition de fonds privés ou encore, lors d'opération de tri et de remise en contenant. Les insectes trouvés peuvent être soumis à l'examen d'un restaurateur, ou encore, d'une firme d'extermination. Une liste de personnes à contacter est fournie dans le plan d'urgence.

 

Programme de lutte contre les moisissures

Les documents contaminés sont isolés dans des sacs en plastique scellés. L'endroit où se trouvaient ces documents est nettoyé avec un mélange d'eau et de produit désinfectant. Le plan d'urgence des archives comporte une liste de personnes ressources qui détermineront par la suite la méthode de contrôle à utiliser.

 

Analyses en laboratoire et restauration

Il n'y a pas de laboratoire d'analyses physico-chimiques ou biologiques sur le site des Archives de la ville de Québec. Deux chimistes et deux techniciens, travaillant pour la ville de Québec, effectuent des analyses pour les archives. Le contrôle de la qualité de tous les produits et matériaux de conservation (pochettes, boîtes, etc.) utilisés aux Archives comptent parmi les nombreuses activités menées. Ces scientifiques s'occupent également de la conservation des négatifs en nitrate de cellulose qui sont isolés des collections et maintenus à basse température. Il n'y a pas non plus d'atelier de restauration. Les travaux de restauration sont réduits à leur plus simple expression (déroulement de plan, dépoussiérage, etc.) ; il s'agit en réalité de traitements de maintenance.

 

La Division des archives de la ville de Québec est ainsi dotée d'un véritable programme de conservation intégré bien qu'elle dispose de très peu de moyens financiers. D'ailleurs, tout le personnel ayant accès aux réserves et manipulant des documents est formé selon un programme bien établi : détection des moisissures et insectes, manipulations des documents lors d'événements spéciaux, fonctionnement des extincteurs, manipulation lors du microfilmage, fonctionnement des instruments de lecture des conditions climatiques.

 

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Centre de Conservation du Québec

Le Centre de Conservation du Québec (CCQ) est une unité autonome de service du Ministère de la Culture et des Communications. Il a une mission de restauration et de conservation du patrimoine québécois. Le centre se compose de neuf ateliers de restauration : peinture, sculpture, papier, bois, meuble, textile, métal, objets archéologiques et ethnologiques. Son travail est essentiellement tourné vers les musées, les municipalités et les communautés religieuses. Les particuliers, propriétaires de biens culturels, peuvent également faire appel à leurs services. Leur champ d'action est vaste : ils apportent aide et conseil pour la planification des travaux de restauration et l'élaboration de politiques de conservation, ils assurent des formations pour les restaurateurs, les muséologues, les archivistes, etc. L'expertise du CCQ est bien souvent sollicitée en cas de sinistre et de sauvetage des biens menacés.

 

Susan Marie Holm, responsable, et Denise Allard, restauratrice, ont guidé la visite de l'atelier papier. Au cours de cette visite, une carte du fleuve St-Laurent datant du début du régime anglais (1763-1867) recensant les seigneuries, un portrait au fusain et pastel, un cadastre de la ville de Québec dessiné à l'encre sur parchemin pleine peau et des dessins sur papier étaient en cours de restauration. Ne possédant pas de laboratoire de microbiologie sur place, les restaurateurs doivent faire appel à des prestataires extérieurs. Leur action sur les moisissures se limite la plupart du temps à une élimination mécanique par aspiration et brossage.

 

France Rémillard a présenté les activités des ateliers archéologie-ethnologie. Au cours de cette visite, un ensemble de céramiques provenant d'un site archéologique de la région de Montréal était en voie d'être restauré. Des statues coulées à Paris dans les années 1900, représentant un groupe de martyrs chrétiens, don du musée Grévin au Musée de la Civilisation, étaient analysées en vue de leur restauration. Pour éviter de solliciter trop souvent l'Institut Canadien de Conservation, cet atelier a mis au point une série de tests micro-chimiques très rapides et très simples d'utilisation pour les polymères, qui permettent de faire une première évaluation de la nature des matériaux étudiés. Une formation sur l'utilisation de ces tests est donnée par Madame Rémillard depuis 1995, à la MST - Université Paris I. France Rémillard a également développé un système d'inclusion de couches de peinture dans des résines polyesther, qui permet la reconnaissance en microscopie optique des différentes couches de couleurs pouvant exister sur une œuvre peinte. Cela peut donner des indications sur la manière de créer une œuvre, voire vérifier si la couleur originale ne se cache pas sous un repeint. Ces exemples montrent bien la volonté de développer une expertise visant à une meilleure autonomie.

 

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Centre de Conservation
de la Bibliothèque nationale du Québec

La Bibliothèque nationale du Québec (BnQ), confrontée à un problème d'espace et de locaux, s'est dotée en décembre 1996 d'un nouveau bâtiment abritant les services internes de la Bibliothèque et les activités liées à la conservation. La Bibliothèque occupe désormais trois édifices à Montréal :

  • Edifice St-Sulpice : salles de lecture des livres et des ouvrages de référence et des documents anciens et étrangers ;
  • Edifice Aegidius Fauteux : salle de lecture des revues, journaux et publications gouvernementales ;
  • Centre de Conservation de la Bibliothèque nationale du Québec : salle de lecture des collections spéciales (ouvrages rares et anciens, livres d'artistes, estampes, documents cartographiques, affiches, cartes postales, reproduction d'œuvre d'art, partitions musicales, enregistrements sonores, etc.) et des archives privées (fonds d'archives privées des domaines de la littérature, des beaux-arts et de la photographie), siège social de la BnQ, administration, acquisitions, traitement et collections de conservation.
    L'édifice occupé actuellement par le Centre de Conservation de la BnQ a été construit en 1948 par la General Cigar Co qui y avait installé une lourde machinerie. La capacité portante de la structure permet de recevoir les rayonnages de conservation.

La BnQ est la seule institution québécoise chargée de conserver le patrimoine publié. La conservation systématique de ce patrimoine requiert des conditions d'entreposage idéales et nécessite des dispositifs de restauration ou de reproduction. Le nouvel édifice répond à ces impératifs de conservation. De plus, l'entreposage des collections de conservation et de diffusion dans des lieux différents offre une sécurité accrue : en cas de catastrophe ou de sinistre majeur, une partie importante des collections serait épargnée. Le Centre de Conservation est situé hors des zones commerciales, mais près des voies de communication rapides et dans un environnement permettant de réduire les zones de sinistre.

 

La mission de conservation comporte quatre types d'activités : la préservation, la restauration, la reproduction et l'entreposage. M. Richard Thouin, directeur de la conservation, a guidé la visite des différents ateliers.

 

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La préservation et la restauration

Dès la réception, l'état physique des documents du dépôt légal, des dons et des documents provenant d'échanges fait l'objet d'une évaluation. Les documents sont traités ou réparés, avant d'être dirigés vers les salles de consultation et les magasins de conservation. Certains travaux préventifs de consolidation, tels que la pose d'une couverture de protection, l'emboîtage, la reliure complète ou l'encapsulation sous pellicule transparente protègent les papiers fragiles.

 

Les documents contaminés sont entreposés dans une chambre de quarantaine. Les traces de poussières ou de moisissures sont retirées à l'aide d'une brosse douce, sous une hotte aspirante, derrière une vitre de protection. Si après ce traitement, une activité biologique est encore détectable, les ouvrages sont placés dans un congélateur à une température de -32°C. Ce procédé est également utilisé pour détruire les insectes.

 

La BnQ poursuit, pour la troisième année, son programme de désacidification de masse de ses livres. Ainsi, entre octobre 1999 et mars 2000, 15 000 documents se sont ajoutés aux 20 000 autres déjà désacidifiés. Eventuellement, les journaux, revues et publications officielles et annuelles seront traités. Le procédé utilisé est le procédé Bookkeepper, de la compagnie américaine Preservation Technologies (Pennsylvanie), alors que les Archives nationales du Canada utilisent le procédé Wei T'o. Il peut paraître surprenant que dans un même pays, deux procédés de désacidification différents soient utilisés. La BnQ a choisi ce procédé en se basant sur les critères de sélection de la Library of Congress et notamment sur une comparaison des effets secondaires visibles. Le fait que le procédé Bookkeeper soit celui qui comporte le moins d'effets secondaires a été déterminant dans ce choix.

 

La restauration

Une restauratrice travaille à temps partiel depuis octobre 1999, pour le traitement des collections sur papier, notamment celles des fonds d'archives littéraires, des estampes et des cartes géographiques. L'agent de désacidification manuelle utilisé par la BnQ est le carbonate de magnésium.

 

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Les magasins de conservation

Ces magasins contiennent un exemplaire de tous les documents publiés au Québec et soumis au dépôt légal. Les exemplaires uniques sont microfilmés et rangés dans ces magasins. Le document constituera alors la copie de conservation, le microfilm, l'exemplaire de diffusion.

Les niveaux de température et d'humidité sont régulés à des taux constants. Chaque magasin est doté d'une enveloppe interne et externe, qui permet au système de maintenir une température de 17°C avec un taux d'humidité relative qui varie graduellement de 30% l'hiver à 45% l'été. L'air venant de l'extérieur passe par un système de filtration performant afin de protéger les documents des contaminants solides et gazeux (poussières, suie, moisissures, spores, dioxyde de soufre). L'air est donc dépoussiéré, asséché, réfrigéré et humidifié.

 

La reproduction

La reproduction photographique. La BnQ reproduit par procédés photographiques (fac-similés, photographies, diapositives, etc.) des textes, des articles, des illustrations, à des fins d'exposition, de publication, d'enseignement et de recherche.

Le microfilmage des journaux. Le microfilmage constitue un moyen de conservation reconnu pour les collections de journaux et de revues anciennes devenues friables et très acides. Bien que ce procédé ne permette pas de protéger le support physique, il permet néanmoins de sauvegarder le contenu.

Le développement des films. Les films sont développés sur place, en laboratoire, où un contrôle-qualité est effectué. Une copie du négatif est ensuite conservée dans une voûte.

 

Conclusion

Les problèmes de conservation figurent au premier plan des préoccupations des institutions québécoises. La BnQ, mais également la Division des archives de la ville de Québec, une institution d'une ampleur plus modeste, ont mis sur pied des programmes de conservation aboutis.

Le Québec poursuit sa réflexion sur sa politique de désacidification de masse : Il est prévu dans un avenir assez rapproché de faire construire une unité de désacidification de masse à Montréal sous-traitée par Preservation Technologies et qui pourrait désacidifier les ouvrages des autres bibliothèques et archives du Québec.

 

 

Nathalie Buisson, DSC/ Centre Technique de Bussy Saint-Georges/laboratoire

 

1 Cette mission s'est déroulée dans le cadre d'un déplacement à titre personnel retour au texte

2 On sait que la référence pour la France en matière d'humidité relative s'établit à 50% _ 5% retour au texte