Politique de conservation

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CFC 2003 : Couverture de Fascicule Cartoné

Traitement des documents de faible pagination

in Actualités de la conservation, n° 12, mai-août 2000

Annoncé en mars 2000 par le service Préservation, le CFC 2003 est désormais opérationnel.

La mise au point aura demandé presque deux années et de nombreuses participations : le service Préservation pour le pilotage du projet, l'ensemble des responsables conservation DCO pour le choix des coloris et la validation du prototype, le laboratoire de Marne-la- vallée pour la réalisation des analyses des matériaux, le cartonnier et le fabriquant du produit de couvrure, sans oublier les entreprises extérieures pour la fabrication et le montage du produit.

 

Origine du CFC 2003 

Sur la palette des techniques dont le service Préservation dispose dans ses ateliers de maintenance, il existait un vide pour le traitement des documents de faibles pagination (de 1 à 100 pages environ) de types fascicule, brochure, encarté, partition de musique, catalogue... Il existe bien comme solution traditionnelle la reliure, mais pour ces cas précis, le coût et le temps de réalisation sont beaucoup trop élevés et le produit final n'est pas toujours optimal. La reliure d'un unique cahier ou de quelques feuilles n'est pas si simple qu'il y paraît.

De plus, le phénomène de masse est un facteur essentiel, car le nombre de documents de ce type se compte par milliers dans les magasins et la demande d'un traitement était un souhait fort des responsables conservation de la DCO.

Les impératifs pour mener à bien ce projet étaient avant tout d'ordre économique (de temps et de budget). La volumétrie nous obligeait à trouver une solution permettant une réalisation de traitement rapide et de longue durée de conservation, tant sur le plan physico-chimique que sur les aspects de durabilité à l'usage.

L'orientation s'est portée vers un produit standard réalisé en sous-traitance et avec une mise en œuvre rapide pouvant répondre à l'ensemble des documents concernés.

Dernier impératif, mais d'importance, faire un produit contemporain original.

 

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Spécifications techniques du CFC 2003

Plats du CFC 2003

Les plats sont en carton celloderme (ref : ALIPINE de 18/10) de couleur bleu acier laminé sous forme à cannelures de 3,5 millimètres. Ce choix d'un carton à cannelures était à la fois esthétique et fonctionnel, en effet les cannelures réduisent de façon significative les frottements sur les autres documents en contact.

Les cannelures sont dans le sens perpendiculaire au dos.

Les coins des deux plats sont arrondis ( rayon 6 millimètres).

Trois foulages sont exécutés :

  • deux sur le plat supérieur (le logo de la Bibliothèque nationale de France de 55 millimètres de hauteur en bas à droite, une empreinte rectangulaire de 40 x 45 millimètres pour l'étiquette d'adressage en haut à gauche)
  • un sur le plat inférieur (une empreinte rectangulaire de 50 x 15 millimètres pour l'étiquette de codes à barres en bas à droite).

 

Dos du CFC 2003

Le matériau de couvrure est un nouveau produit mis au point avec la société Rexam USA, le Skivertex Ultra.

  • Grammage 247 g/m²
  • Epaisseur 330 microns
  • Aspect Haircell
  • Couleur Blue

Les exigences du cahier des charges étaient très élevées tant sur le plan mécanique que sur le plan physico-chimique. Aussi le choix s'est orienté sur un non tissé, cette technologie nous permettant d'obtenir de très fortes valeurs en résistance mécanique (rupture à l'allongement, nombre de plis, frottement ...), une stabilité dans le temps et un aspect nous ouvrant un choix de grains et de coloris important. A titre d'exemple la résistance au pliage est supérieure à 10 000.

Ce matériau entre dans la réalisation du dos et des systèmes de montage intérieurs.

Encollage sur les plats sur 15 millimètres de large. Pour cela, un foulage est réalisé sur le carton afin de supprimer les cannelures et pour intégrer le Skivertex Ultra sans créer de surépaisseur à la surface des plats.

Epaisseur du dos de 9 millimètres.

 

 

Analyses physico-chimiques des matériaux

L'aptitude à la conservation du Skivertex Ultra et du carton Alipine a été vérifiée au laboratoire du centre technique de Marne-la-Vallée grâce à une série de tests et d'analyses physico-chimiques.

Ceux-ci ont permis non seulement de prévoir le comportement des deux produits sur le long terme mais également de vérifier qu'ils sont et resteront inoffensifs pour les documents avec lesquels ils sont en contact.

Ainsi, la première phase de l'étude a-t-elle consisté à déterminer la composition chimique et fibreuse du Skivertex Ultra et du carton Alipine. Ces produits ont ensuite été soumis à un vieillissement accéléré à haute température et haute humidité relative.

 

 

Détermination de la composition chimique du Skivertex Ultra

Le Skivertex Ultra est un matériau composite constitué d'une base fibreuse mélangée à une matrice en polymère foncé. Il est enduit de part et d'autre de deux couches en polymère également, l'une étant colorée (couche supérieure), l'autre blanche (couche inférieure).

Grâce à différentes méthodes d'analyse, la nature chimique de chacun de ces constituants a été déterminée.

L'observation de la base fibreuse au microscope optique montre une présence de fibres de papier mélangées à des fibres synthétiques dont la nature a été caractérisée par chromatographie gazeuse couplée à la spectrométrie de masse après hydrolyse acide et dérivation des hydrolysats. Les chromatogrammes obtenus font apparaître deux composés : l'acide 6 amino caproïque et le 1,6 hexane diamine qui entrent dans la composition du polyamide 6,6. Les fibres synthétiques de renforcement du Skivertex Ultra sont donc constituées à 100% de Nylon 6.6.

Les enductions supérieure et inférieure ainsi que la matrice du Skivertex Ultra ont été identifiées grâce à la spectrométrie infra-rouge à Transformée de Fourier. Cette méthode a révélé la nature acrylique de ces trois couches ; malheureusement, elle ne permet pas de déterminer la composition exacte de ces acryliques qui sont très probablement des copolymères complexes.

L'analyse par chromatographie gazeuse couplée à la spectrométrie de masse des extraits chloroformés des acryliques montre la présence d'une faible quantité de plastifiant : le dibutylphtalate.

 

 

Analyse du carton Alipine

Les fibres du carton Alipine ont été identifiées au microscope optique après coloration par les solutions de Herzberg (norme ISO 9143-3 :1990) et de Lofton-Merritt (norme ISO 9184-5 :1990). 20% d'entre elles sont des fibres de résineux et 80% sont des fibres de feuillus. Elles ont toutes été traitées chimiquement puis blanchies.

La teneur en charge du carton a également été déterminée pour les couches centrale, supérieure et inférieure, conformément à la norme ISO 9706 :1994. Elle est en moyenne de 4,18 % d'équivalent de carbonate de calcium, avec des taux légèrement plus importants pour les couches externes.

Le pH de l'extrait aqueux, déterminé selon la norme ISO 6588 : 1981, est en moyenne de 7,2.

 

 

Tests de vieillissement artificiel

A priori, aucun des composés analysés ne semble être néfaste soit pour la conservation à long terme du Skivertex Ultra ou du carton Alipine, ni pour celle des documents avec lesquels ils seront mis en contact.

Toutefois, il peut arriver que des composés instables non identifiés ou présents en quantité infinitésimale se décomposent à long terme et compromettent par là même, la qualité du matériau initial.

Par mesure de précaution, les produits Skivertex Ultra et carton Alipine ont donc été soumis à des tests de vieillissement artificiel.

 

Le premier, effectué uniquement sur le Skivertex Ultra avait pour but de vérifier le comportement physique de ce produit à long terme dans des conditions défavorables. Nous avons donc comparé sa rigidité et sa résistance à l'étirement dans les sens marche et travers (ce produit étant orienté) avant et après vieillissement artificiel à 70°C et 85 % d'humidité relative pendant 2 semaines.

Les résultats ont montré une perte d'environ 9 % de la résistance à l'étirement et une augmentation d'environ 20 % de la rigidité. Ces valeurs sont relativement faibles en regard de la qualité initiale du produit et des conditions drastiques auxquelles il a été soumis.

Ainsi, s'il possède déjà au départ des propriétés mécaniques remarquables, le Skivertex Ultra semble également avoir l'avantage de les conserver sur le long terme.

 

Notons qu'après vieillissement artificiel, nous n'avons observé aucune remontée d'additifs vers la surface et la couleur bleue initiale n'a pas évolué. En revanche, le produit est légèrement moins brillant.

 

Le second vieillissement accéléré correspond à celui du test d'activité photographique (norme ANSI/NAPM IT9.16-1993).

 

Ce test a été conçu au départ pour évaluer les éventuelles interactions chimiques (oxydation ou réduction) pouvant exister entre un matériau(papier, carton, cuir colle, plastique, encre...) et un film ou un papier photographiques. Ces derniers étant particulièrement sensibles à toute présence d'agent oxydant ou réducteur, le test d'activité photographique constitue donc une méthode très sensible pour prévoir l'effet à long terme d'un matériau sur les objets du patrimoine. Nous l'avons appliqué au Skivertex Ultra et au carton Alipine.

 

Pour mesurer cet effet, les faces supérieure et inférieure des produits à analyser ont été mises en contact avec un film et un papier photographique tests ; le tout a ensuite été placé dans une enceinte climatique réglée à 86% d'humidité relative et 70°C pendant deux semaines. Les densités optiques des films et des papiers photographiques ont été mesurées avant et après vieillissement, puis comparées à un témoin.

 

Les deux faces du Skivertex Ultra et du carton Alipine passent brillamment le test d'activité photographique. Ces produits ne renferment donc aucun composé ayant un pouvoir oxydant ou réducteur néfaste pour les documents.

 

 

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Conclusion

Les produits Skivertex Ultra et carton Alipine répondent tous deux aux critères exigés pour la conservation des documents patrimoniaux. Ils peuvent donc a priori être utilisés sans risque pour la fabrication des chemises CFC 2003.

 

Mise en oeuvre

Le CFC 2003 existe en dix formats standards allant d'un format IN 18 J au format IN FOL R disponible en deux versions . Une pour la protection des documents montés sur onglet de papier ou de toile, l'autre pour des documents monocahier cousus. La seule limite étant donnée par l'épaisseur finale de 9 millimètres du document après montage.

Après seulement quelque mois de mise en œuvre dans les ateliers du Service Préservation, le CFC 2003 semble répondre aux exigences de départ . Sa souplesse d'utilisation voulue lors de la conception laisse libre cours à l'imagination et un ensemble de techniques de montages ont déjà été créées.

La prochaine étape est le montage d'un marché public pour le mettre à disposition de l'ensemble de la Bibliothèque nationale de France.

 

 

Jean-Loup Fossard, DSC, service Préservation
Thi-phuong Nguyen, DSC, Centre technique de Bussy-Saint-Georges, laboratoire