Désacidification

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Deacidification Reconsidered

15th National Archives Preservation Conference, Washington, 1999

in Actualités de la conservation, n° 11, février-juillet 1999

Les conférences organisées par la National Archives and Records Administration (NARA) portent sur des sujets aussi variés que la manipulation des papiers, films, cassettes et disques, les soins à leur apporter, leurs conditions d’exposition, de même que leur conservation, copie et stockage à long terme.

Cette année, la conférence a été l’occasion de réunir des scientifiques, conservateurs et autres professionnels de la conservation autour du thème bien particulier de la désacidification du papier, et de faire le point sur les résultats des différentes méthodes existantes (procédés de masse et désacidification manuelle). Voici un résumé succinct des interventions marquantes de cette journée.

 

Hal ERIKSON (Preservation and Conservation Studies – University of Texas, Austin)

La première communication de Hal Erikson consistait en un rappel de la chimie du papier, suivi d’une brève description des différents mécanismes de dégradations physico-chimiques. Au cours de sa deuxième intervention, il a insisté sur la distinction à faire entre lavage alcalin et désacidification de masse. En effet, le lavage alcalin permet seulement de neutraliser les composés acides déjà présents dans le papier et ne protège pas celui-ci d’une éventuelle acidification ultérieure. En revanche, la désacidification de masse apporte en plus une réserve alcaline aux papiers qui permet de prolonger davantage leur durée de vie.

 

John BOGAARD, (chercheur, Canergie Mellon Research Institute, Pittsburg)

John Bogaard a démontré que l’immersion de documents d’archives ou d’œuvres d’art sur papier dans des bains d’eau enrichie de calcium peut avoir des effets bénéfiques. Des traitements avec des bains renfermant différents contenus en calcium (chlorure de calcium, carbonate de calcium ou hydroxyde de calcium) ont été comparés. Il ressort de ces expériences que l’ajout de borohydrate de sodium augmente l’effet protecteur d’un bain d’eau enrichie d’hydroxyde de calcium. Aucun effet négatif n’a été observé après les différents traitements.

 

Chandru SHAHANI, (Responsable, Preservation Research and Testing Division, Library of Congress)

Chandru Shahani a présenté un nouveau test de vieillissement accéléré des papiers qui donne lieu à des produits de dégradation similaires à ceux que l’on retrouve dans les documents vieillis naturellement. L’avantage de ce nouveau test réside dans sa rapidité d’excécution : 3 jours au lieu de 3 semaines. Ce test consiste à introduire l’échantillon dans un tube en verre hermétiquement fermé qui est ensuite placé à l’intérieur d’un four chauffé de 90 à 100°C .

Dans le cadre de cette étude, deux procédés de désacidification ont été comparés : DEZ et Bookkeeper. De manière générale, Bookkeeper a des effets plus bénéfiques que DEZ. Cependant, Bookkeeper aurait des effets différents selon la nature du papier. Ainsi, sur les papiers encollés à la colophane en milieu acide, l’effet protecteur de ce procédé serait atténué. Cette intervention montre l’importance de la sélection des ouvrages à traiter.

 

Kenneth E. HARRIS, (Directeur, Preservation Projects, Library of Congress)

M. Harris a présenté le programme de désacidification de masse de la Bibliothèque du Congrès (procédé Bookkeeper). Ce programme se fonde sur des critères rigoureux de sélection des ouvrages ainsi que sur un contrôle qualité régulier. Par exemple, les livres trop fragilisés ou présentant des altérations importantes, ne sont pas désacidifiés. S’il existe deux exemplaires d’un même ouvrage, seul le moins abîmé sera desacidifié et constituera la copie de conservation. Ces quelques exemples tendent à démontrer que la désacidification est considérée comme un élément s’intégrant dans un programme de conservation.

 

Elissa O’LOUGHLIN, (senior conservator) et Anne WITTY, (conservator, Document Conservation Laboratory, NARA)

Les auteurs ont observé sur certains papiers ayant subi un traitement de désacidification, les effets secondaires suivants : rosissements, changements de couleur dans les papiers renfermant de la lignine, dépôt de sels, complexation des sels de magnésium ou de calcium avec des colorants présents dans le papier et formation d’une laque insoluble, etc. Bien que l’effet bénéfique d’une désacidification ne soit plus à démontrer, il est important de savoir qu’un tel traitement peut parfois avoir des effets pervers.

 

Grandes lignes de cette journée

La désacidification prolonge la durée de vie du papier bien que dans certains cas, son efficacité ne soit pas la même selon la nature du papier. Par ailleurs, elle peut parfois avoir des effets néfastes. Tout ne peut donc pas être désacidifié. En effet, le procédé  de désacidification idéal n’existe pas pour le moment et il faut donc sélectionner les documents à traiter.

Seul le procédé Bookkeeper a été présenté ici. Or, il aurait été intéressant de confronter tous les procédés de désacidification de masse utilisés actuellement en Europe et en Amérique. A la lumière des connaissances actuelles, une telle discussion aurait pu déboucher soit sur de véritables remises en question, soit sur certaines mises au point.

Les efforts se concentrent, depuis quelques temps déjà, pour inclure dans certains procédés de désacidification de masse, un dispositif de renforcement des documents. Selon les fabricants présents à cette conférence, les résultats semblent encourageants. Toutefois, il reste encore quelques belles années à la recherche avant de trouver le procédé idéal.

 

 

Nathalie Buisson
Thi-Phuong Nguyen

Centre Technique de Bussy Saint-Georges

 

Les actes du colloque devraient être disponibles au cours de l’année 2000. Ils pourront être consultés au Centre de Documentation de Marne-la-Vallée.