Politique de conservation

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Gestion de la conservation :
de la politique à la mise en œuvre

La Haye - 19 - 21 avril 1999

in Actualités de la conservation, n° 9, février-juillet 1999

Ce colloque, coorganisé par le Programme PAC (Preservation and Access) de l'IFLA, par l'ECPA (European Commission for Preservation and Access) et la Bibliothèque royale des Pays-Bas, a réuni environ 130 personnes d'une quarantaine de pays dans les locaux de la Bibliothèque royale à La Haye. Archivistes, bibliothécaires, restaurateurs et quelques conservateurs de musées composaient l'assistance.

 

Ces trois journées ont été l'occasion de faire un point très détaillé sur la façon dont l'idée même de "politique de conservation" a pu faire son chemin dans les mentalités politique, professionnelle et publique depuis une vingtaine d'années. Mirjam Foot, de la British Library, a ainsi pu faire le constat que la prise en compte des besoins de conservation n'est plus le fait de quelques personnes isolées en bout de chaîne, mais qu'elle relève maintenant d'une approche beaucoup plus intégrée, non seulement au sein de chaque établissement, mais aussi à différents niveaux de coopération : entre établissements à vocation culturelle (archives, bibliothèques, musées), ainsi qu'aux niveaux national et international.

 

Le développement et la mise en place progressive de véritables politiques de conservation au sein des principaux établissements patrimoniaux européens et nord-américains sont rendus possibles par la professionnalisation croissante des personnels en charge de ces questions, par leur implication de plus en plus structurée dans l'organisation de leurs établissements - notamment grâce à la création de départements de la conservation, responsables de la définition et de la mise en œuvre des programmes -, par leur influence également croissante aussi bien sur les couches dirigeantes des établissements que sur le monde politique et le public.

 

Une des conséquences directes de cette prise d'influence est la formation de plus en plus systématique de l'ensemble des personnels aux questions de conservation. Ce thème de la formation a été largement évoqué au fil du colloque : c'est pour l'instant l'axe majeur de travail en Europe de l'Est : en Hongrie par exemple, la Bibliothèque nationale et les Archives nationales se sont associées pour concevoir un programme de formation à la conservation à plusieurs niveaux : directeurs, gestionnaires du terrain, techniciens. Cours et séminaires sur la préservation sont également mis en place en Slovénie et en Russie. Au Danemark, la formation inclut également les lecteurs.

 

D'une manière générale, la plupart des intervenants ont insisté sur l'aspect fondamental de la formation, particulièrement en direction des dirigeants et autres preneurs de décisions qui ne deviennent réellement aptes à soutenir une politique de conservation qu'à partir du moment où ils sont convaincus de son bien-fondé. Cette motivation est indispensable pour rendre les directeurs d'établissement de bons porte-parole auprès des administrations et auprès des politiques : deux expériences réussies de "lobbying" ont été relatées par Bendik Rugaas, directeur de la Bibliothèque nationale de Norvège, et par Peter Delbeke, directeur adjoint de la bibliothèque du Parlement fédéral de Belgique. Bendik Rugaas a beaucoup insisté sur la nécessité des alliances et sur les convergences d'action indispensables entre bibliothèques, archives et musées : sans doute était-ce l'expérience de l'ancien ministre de la Culture qui parlait. Ce thème a également été repris lors de la table ronde sur la coopération entre ces différents types d'établissements.

Une fois créées les conditions nécessaires au soutien politique et à "l'enthousiasme" du public, la politique de conservation doit entrer dans sa phase pratique, en résolvant d'emblée l'épineuse question du choix et des priorités à déterminer. "Que conserver ?" et "La fin de tout pour toujours" sont revenus régulièrement, les intervenants insistant bien sur le fait que si l'on ne choisit pas, d'autres - ou le temps - choisiront à notre place. Néanmoins si l'avis des responsables des collections est essentiel dans ces choix, il a également été mis en avant l'implication nécessaire des responsables politiques, ainsi que celui des organismes internationaux (ex. : le programme UNESCO "Mémoire du Monde").

 

La conséquence logique de cette approche systématique, voire politique, des collections est qu'elle met nettement un terme à l'appréhension individuelle des documents. Les participants ont été unanimes sur la nécessité d'aborder le sujet par le biais de la préservation de masse et non plus par le traitement unitaire ultime : cela a notamment été rappelé par Antonius Jammers, directeur de la Staatsbibliothek zu Berlin, qui a d'abord évoqué l'époque de Goethe où les bibliothèques étaient encore "in Ordnung" (en ordre), puis les destructions massives de la dernière guerre (800 000 documents détruits ou disparus pour la seule Staatsbibliothek), avant d'en venir à l'indispensable prise de conscience par le biais d'une enquête sur l'état des fonds de la bibliothèque. Bilan : 5 millions de documents nécessitant un traitement (reliure, microfilmage ou désacidification), un programme sur 50 ans pour un budget de 1 milliard de DM.

 

L'ampleur des chiffres, identique d'un établissement à l'autre à travers le monde, prouve, s'il est encore nécessaire, l'urgence à développer des politiques et des programmes de conservation, appuyés par des moyens en conséquence. Mirjam Foot estime que le budget consacré à la conservation par un établissement devrait représenter 10% de son budget global. Rares sont encore les établissements atteignant ce pourcentage. Seule la Bibliothèque nationale du Portugal a pu afficher un très impressionnant 15%, sans doute explicable par la formidable volonté de Maria-Luisa Cabral, responsable - entre autres - de la conservation depuis 1997, et qui, en deux ans, a fait évoluer la gestion très traditionaliste de la conservation en faveur d'une politique dynamique tournée vers la conservation préventive, obtenant pour ce faire la création d'un département de la conservation, très impliqué dans la conduite générale de la bibliothèque. Une des plus grandes difficultés qu'elle semble avoir rencontrée a été la lutte contre le gaspillage des compétences des personnels des ateliers, souvent utilisés pour des tâches sous qualifiées, ainsi que le combat pour l'augmentation de la qualité et de la quantité de leur production. La rénovation et la réorganisation complètes des ateliers et des conditions de travail lui ont permis, en retour, d'établir clairement ces nouvelles exigences.

 

Le dernier thème abordé lors de ce colloque a été aussi le plus pragmatique : différents intervenants ont présenté quelques aspects du programme de travail de leur établissement en insistant particulièrement sur la question des coûts de traitement et plus généralement sur les aspects économiques de la conservation. Ont notamment été présentés :

En conclusion, a été rappelé le besoin impérieux de se donner des objectifs extrêmement précis, qui permettent d'évaluer le travail accompli, d'analyser et donc de corriger les erreurs, afin de perfectionner progressivement, sur des bases solides, le dispositif de conservation mis en place.

 

Marie-Lise Tsagouria, DSC, service Préservation