Désinfection

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Effluents des installations
de désinfection à l'oxyde d'éthylène

Etat de la réglementation et dispositifs de traitement

in Actualités de la conservation, n° 9, février-juillet 1999

Sommaire
L'état de la réglementation
Techniques disponibles pour traiter des installations à oxyde d'éthylène

 

L'oxyde d'éthylène est utilisé depuis de nombreuses années pour la désinfection de collections de bibliothèques et d'archives atteintes par des micro-organismes (bactéries, champignons) ou des insectes. Ce gaz aux propriétés insecticide, fongicide et bactéricide, très utilisé par ailleurs pour la stérilisation dans les secteurs médicaux et pharmaceutiques, présente l'inconvénient de sa toxicité pour l'homme et l'environnement, ce qui nécessite des précautions d'emploi strictes. Des recherches ont été menées ces dernières années pour trouver des méthodes alternatives au traitement par l'oxyde d'éthylène. De nouvelles méthodes d'une mise en œuvre plus simple et plus sûre existent maintenant pour les traitements insecticides des documents (anoxie, gaz inertes). En revanche aucune alternative satisfaisante n'a été trouvée pour le traitement de documents contaminés par des micro-organismes.

L'emploi de l'oxyde d'éthylène reste donc justifié, mais sa toxicité pour l'homme et l'environnement a incité un certain nombre de pays à adopter des réglementations sévères et par conséquent à restreindre son utilisation.

La Bibliothèque nationale de France a opté pour l'installation d'une station de désinfection à l'oxyde d'éthylène sur son site de Marne-la-Vallée, dans le but de traiter ses collections en cas de contamination. Un point sur l'état de la réglementation en vigueur en Europe et en France quant aux rejets d'effluents polluants tel que l'oxyde d'éthylène est donc utile.

L'état de la réglementation

Au niveau européen, il n'existe pas de directive spécifique aux rejets d'oxyde d'éthylène. En revanche, la directive 84/360/CEE relative à la "lutte contre la pollution atmosphérique en provenance des installations industrielles" fixe un cadre général minimal pour tous les états membres avec des obligations fondamentales à respecter pour la protection de l'environnement en cas d'émission d'effluents polluants. Il convient de prendre "toutes les mesures appropriées de prévention de la pollution atmosphérique" par "l'utilisation de la meilleure technologie disponible (…) l'exploitation de l'installation n'engendrera pas de pollution atmosphérique d'un niveau significatif".

 

Chaque pays reste libre de prendre des dispositions plus sévères que celles prévues par cette directive. La directive 84/360/CEE a été modifiée par la directive 96/61/CE relative à "la prévention et à la réduction intégrées de la pollution". Celle-ci précise que "toutes les mesures de prévention appropriées doivent être prises contre les pollutions, notamment en ayant recours aux meilleures techniques possibles", afin "qu'aucune pollution importante ne soit causée".

 

Les installations nouvelles doivent prendre ces exigences en compte dès leur conception, les installations existantes doivent être adaptées progressivement dans la mesure du possible après examen de la faisabilité technico-économique.

 

Pour la conception de nouvelles installations, on se référera à la directive 85/337/CEE concernant "l'évaluation de certains projets publics et privés sur l'environnement".

 

On remarquera que ces directives ne fixent pas de valeurs limites chiffrées pour les émissions d'oxyde d'éthylène.

 

En France, l'instruction technique du 24 juillet 1980 (J.O. du 22 août 1980), concernant l'emploi de l'oxyde d'éthylène prise en application du règlement de sécurité contre les risques d'incendie et de panique dans les établissements recevant du public mentionne que "les gaz résiduels en provenance des appareils d'utilisation, des purges et des évents seront :

  • soit traités par un dispositif de neutralisation ou d'absorption de l'oxyde d'éthylène,
  • soit évacués vers l'extérieur par un conduit étanche réservé à ce seul usage, débouchant au moins à 8 mètres de toute fenêtre ou toute prise d'air neuf, sauf aménagement tel qu'une prise d'air vicié ne soit pas possible".

L'arrêté du 6 mai 1997 relatif aux prescriptions générales applicables aux installations classées pour la protection de l'environnement soumises à déclaration sous la rubrique 1419 (emploi ou stockage des oxydes d'éthylène et de propylène), paru dans le Code permanent Environnement et Nuisances, indique : "Les installations susceptibles de dégager des fumées, gaz, poussières ou odeurs doivent être munies de dispositifs permettant de collecter et de canaliser autant que possible les émissions. Le débouché des cheminées doit être éloigné au maximum des habitations et ne pas comprendre d'obstacles à la diffusion des gaz". Quant aux valeurs limites d'émission : " Toute disposition, à l'exception des stérilisateurs, sera prise pour éviter le rejet à l'atmosphère des oxydes d'éthylène et de propylène. Dans le cas des stérilisateurs, toute disposition sera prise pour limiter les rejets en ambiance de travail des oxydes d'éthylène et de propylène à 1 ppm (ppm = partie par million).

Si l'oxyde d'éthylène est utilisé en quantité supérieure à 10 tonnes par an, l'exploitant doit en outre adresser à la préfecture dont dépend l'installation un bilan environnemental annuel des rejets dans l'air, l'eau et les sols (J.O. du 3 mars 1998, arrêté du 2 février 1998).

Les installations de désinfection de documents d'archives et de bibliothèques, généralement de petite taille, ne tombent pas sous le coup de ces arrêtés qui concernent les installations classées, c'est-à-dire soumises à déclaration (si plus de 500 kg d'oxyde d'étylène en stock) ou autorisation (si plus de 5 tonnes) auprès de la préfecture.

L'oxyde d'éthylène lors de son utilisation est généralement mélangé avec un gaz inertant qui peut être de l'azote, du dioxyde de carbone, ou des substituts des HCFC (hydrochlorofluorocarbone), l'emploi des HCFC dans ce cadre étant interdit depuis le 1er janvier 1998 pour les équipements fabriqués après le 31 décembre 1997.

 

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Les techniques disponibles pour le traitement
des effluents des installations à oxyde d'éthylène

Les réglementations ci-dessus constituent selon toute probabilité le début d'une évolution vers une réglementation plus stricte s'inspirant de celle des pays actuellement les plus sévères (Allemagne, pays de l'Europe du Nord).

 

Dans un souci de prévention de la pollution de l'environnement et d'anticipation d'une législation à venir, prévoir des dispositifs de neutralisation ou de destruction de l'oxyde d'éthylène sur les nouvelles installations de désinfection de documents graphiques relève tant d'une prévoyance raisonnable que d'une obligation morale.

 

Plusieurs méthodes de limitation des émissions d'oxyde d'éthylène dans l'atmosphère existent :

  • L'épuration par l'eau : le flux gazeux d'oxyde d'éthylène est rejeté dans une colonne à contre-courant d'eau. L'oxyde d'éthylène se dissout dans l'eau.
    • Avantage : peu coûteux.
    • Inconvénients : unités volumineuses, rendement maximal de 90 %.
  • L'incinération : l'oxyde d'éthylène préalablement chauffé est incinéré à 1000°C en 0,5 seconde. Le rejet est composé de dioxyde de carbone et d'eau.
    • Avantage : 99 % d'oxyde d'éthylène éliminés.
    • Inconvénients : coûts d'investissement et de fonctionnement élevés, mesures de sécurité contraignantes, procédé non adapté aux mélanges gazeux contenant des HCFC (ou leurs substituts).
  • L'oxydation catalytique : l'oxyde d'éthylène est également transformé en dioxyde de carbone et en eau, mais par chauffage à 300°C seulement, en présence d'un catalyseur. L'oxyde d'éthylène dans le flux gazeux traité doit être inférieur à 1 % pour éviter un surchauffage.
    • Avantages: 99 % à 99,9 % d'oxyde d'éthylène éliminés, entretien minime.
    • Inconvénients : coûts d'investissement et de fonctionnement relativement élevés.
  • L'absorption et la modification de l'oxyde d'éthylène : l'oxyde d'éthylène est injecté dans une solution aqueuse acide en présence de charbon actif. L'éthylène glycol formé est neutralisé et récupéré (comme antigel) ou rejeté.
    • Avantages : 99,9 % d'oxyde d'éthylène éliminés, coûts d'investissement inférieurs à ceux des incinérateurs et de l'oxydation catalytique, frais de fonctionnement et de maintenance modérés.
    • Inconvénients : les gaz inertants contenus dans certains mélanges gazeux ne sont pas éliminés par ce procédé mais peuvent l'être par condensation avant le traitement de transformation de l'oxyde d'éthylène.
  • Le recyclage : cette méthode est surtout intéressante pour les mélanges d'oxyde d'éthylène. Le mélange gazeux à la sortie du stérilisateur est séché et comprimé par réfrigération. Le liquide obtenu, appauvri en oxyde d'éthylène, est réutilisable après adjonction d'oxyde d'éthylène pur.
    • Avantage : réduction des frais de fonctionnement grâce au recyclage du gaz.
    • Inconvénients : seulement 70 % du mélange gazeux introduits dans le stérilisateur, coûts d'investissement élevés, mesures de sécurité contraignantes induites par l'adjonction d'oxyde d'éthylène pur pour réenrichir le mélange après recyclage.

Le choix entre ces différentes techniques sera fonction de la taille de l'installation, des mélanges oxyde d'éthylène-gaz inertant utilisés et des ressources financières. L'oxydation catalytique et l'absorption-modification de l'oxyde d'éthylène semblent être actuellement les deux techniques qui réalisent le meilleur équilibre entre efficacité, sécurité et coûts, avec un petit avantage pour l'absorption-modification en ce qui concerne les coûts.

 

 

Brigitte Leclerc, Service Restauration, Laboratoire/site Richelieu

 

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