Restauration

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Utilisation des dispersions acryliques pour
la mise au ton de papier de restauration

in Actualités de la conservation , n° 8, octobre 1998-janvier1999

Il n'est pas rare qu'en restauration l'on soit obligé de colorer les papiers de comblage, afin que leur teinte soit la plus proche possible du document à restaurer. Les matières colorantes utilisées jusqu'alors pour ce travail (Ricoré, brou de noix, teinture à l'aniline...) ne sont pas toujours adaptées au papier. Leur stabilité dans le temps est incertaine et elles ne présentent qu'une fiabilité toute relative qui ne permet pas la reproductibilité des concentrations, indispensable aujourd'hui dans un protocole de restauration.

L'atelier de restauration, soucieux d'employer des colorants mieux adaptés à la conservation, a donc dans un premier temps prospecté puis essayé de nouvelles teintures convenant au papier et facilement disponibles dans le commerce.

Après de nombreux essais de dilutions et d'applications variées, le choix s'est porté sur des peintures commercialisées par la société Lefranc-Bourgeois sous l'appellation Liquitex, dont la large gamme de couleurs ainsi que les caractéristiques semblent convenir aux travaux de restauration. Selon la notice du fabricant, ces peintures sont à base d'émulsion polymère acrylique. En fait, il s'agit plus précisément d'une dispersion.

À propos des résines acryliques

Employées en conservation depuis les années 1930, les résines acryliques sont aujourd'hui bien connues et utilisées dans de nombreux domaines de la restauration. Elles offrent des propriétés physiques variées et ont généralement une bonne stabilité dans le temps et une très bonne tenue aux ultraviolets. Elles sont thermoplastiques (ramollissement sous l'effet de la chaleur) et sont solubles dans de nombreux solvants organiques. Les résines acryliques sont à la base des liants pour fixatifs, adhésifs, consolidants, produits de retouches et vernis, enduits et mastics, peintures... La résine acrylique la plus connue en conservation est certainement le Paraloïd B72.

En général, les problèmes rencontrés avec ce type de résine sont liés à leur électrostaticité et leur facilité à accumuler la poussière. Quelques types d'acryliques, notamment le butylméthacrylate, ont tendance à s'insolubiliser par réticulation sous certaines lumières, sans cependant que d'autres changements interviennent. Ce danger potentiel d'insolubilisation dans le temps ne constitue pas un véritable problème dans notre utilisation de ces résines, puisqu'elles sont destinées à être appliquées uniquement sur des papiers de restauration dans le cas de comblage de lacunes.

 

Application des peintures Liquitex et
analyses des papiers "peints"

Des tests d'application des peintures, des analyses de pH, de solubilité à l'eau et de tenue aux U.V. ont été réalisés pour chaque couleur et ont donné des résultats très satisfaisants.

D'emploi facile, les couleurs ont pour agent dispersant, l'eau qui ne nécessite pas de précaution de manipulation particulière.

Les analyses de pH, après application des couleurs, indiquent des valeurs légèrement alcalines, supérieures au papier vierge. Les tests de solubilité montrent qu'une fois teintés et secs, les papiers ne déchargent pas en présence d'eau, qualité primordiale en cas de très forte humidité ou d'inondation. La tenue aux U.V. des couleurs est également satisfaisante.

Le caractère potentiellement irréversible de ces peintures n'est pas gênant à condition toutefois de ne pas les utiliser sur les feuillets originaux.

Le compte rendu détaillé de cette étude, protocole d'utilisation et analyses, est disponible au centre de documentation du Service Restauration.

 

Quelques définitions utiles...

Dispersions (peintures et vernis)

Les dispersions sont la base des peintures et des vernis dits vinyliques ou acryliques. Elles sont constituées par de très fines particules solides (max. 0,1 millième de millimètre) de polymères ou copolymères vinyliques ou acryliques, dispersées dans de l'eau. L'eau n'est pas le solvant de la résine vinylique ou acrylique, mais seulement un milieu de dispersion. Ces dispersions sont souvent appelées à tort "émulsions".

Emulsion

Dispersion d'un liquide dans un autre non miscible.

Peinture

D'une manière générale, un film de peinture est constitué par un solide finement divisé, dispersé dans une phase continue. Le solide finement divisé est le pigment, qui donne couleur et opacité. La phase continue est le liant, qui assure d'une part le maintien mécanique du pigment sur le support et d'autre part l'effet optique de l'ensemble.

Réticulation

Transformation d'un polymère linéaire en polymère tridimensionnel par des liaisons transversales.

Teinture

Procédé consistant à fixer un colorant sur un support à structure fibreuse. La matière colorante d'une teinture pénètre son support de manière beaucoup plus intime que la peinture, des liaisons moléculaires plus ou moins stables ou difficilement réversibles s'établissent entre les deux éléments.

Bibliographie :

DELCROIX, G. & HAVEL, M. Phénomènes physiques et peinture artistique. Puteaux : EREC, 1988.

Des liants et des couleurs : pour servir aux artistes peintres et aux restaurateurs [...] / J. Petit, J. Roiré et H. Valot. Puteaux : EREC, 1995.

Des teintes et des couleurs : exposition au Musée National des Arts et Traditions populaires, 4 mai - 31 juil. 1988. Paris : RMN, 1988.

HORIE, C. V. Materials for conservation : organic consolidants, adhesives and coatings. London : Butterworths, 1990.

Plastics and resin compositions / ed. by W. Gordon Simpson. Cambridge : The Royal Society of Chemistry, 1995.

Polymers in conservation : the proceedings of an International conference org. by Manchester Polytechnic and Manchester Museum, Manchester, 17th - 19th 1991 ; N. S. Allen, M. Edge, C. V. Horie, ed. Cambridge : The Royal Society of Chemistry, 1992.

 

 

Jean-Yves Gagey, Atelier Central
Nathalie Pingaud, laboratoire, Service Restauration, DSC.