Papier

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Le devenir des papiers modernes,
métamorphoses d'un médium

Colloque 16 et 17 décembre 1997

in Actualités de la conservation , n° 6, janvier-mars 1998

Ce colloque avait pour objectif d'œuvrer au décloisonnement des savoirs et des savoir-faire en faisant intervenir différents professionnels sur le thème : l'état actuel du papier et son devenir.

 

Dans une première partie, la question de la longévité du support est posée : la conservation des collections à la Bibliothèque nationale de France dans le but de les communiquer aux chercheurs d'aujourd'hui et de demain pose de nombreux problèmes, et en particulier la sauvegarde de la presse périodique, première touchée par le travail du temps en raison de la mauvaise qualité du support sur lequel elle est imprimée. Des solutions existent pour sauvegarder les collections, mais les offres de traitement sont toujours inférieures à la demande des institutions chargées de leur sauvegarde : dans le cas des papiers acides par exemple, une seule installation de désacidification existe actuellement en France (au Centre Joël Le Theule à Sablé-sur-Sarthe) pour traiter l'ensemble des demandes des bibliothèques et des archives françaises. En matière de prévention, l'emploi du papier permanent par les imprimeurs et les éditeurs peut constituer une solution qui limiterait le travail et les coûts de traitement a posteriori des institutions de sauvegarde du patrimoine.

 

Ce qui amène à se poser la question de la constitution du patrimoine écrit : que garder ? Pourquoi le garder ? Pour le conserver dans quel état ? Le communique-t-on ? Michel Melot pour les bibliothèques, et Rosine Cleyet-Michaud pour les archives, évoquent l'invasion des masses de papier dans nos institutions et le caractère sacré de celui-ci (qui fait que c'est encore l'unique support reconnu par les tribunaux par exemple), puis nous indiquent quelques pistes de réflexion sur le thème de la sélection en matière de conservation du patrimoine ; cette réflexion est complétée par une courte initiation à la conservation préventive dispensée par Eléonore Kissel, restauratrice. La conservation peut limiter ses coûts si elle fait l'objet d'une programmation raisonnée des traitements ainsi que du budget alloué à cet effet et d'une gestion des collections modernes orientée vers la prévention des dégradations.

 

La codicologie enfin est présentée comme apportant une connaissance complémentaire des textes puisqu'elle s'intéresse au manuscrit en tant qu'objet et non pas au seul contenu : d'où l'importance de sauvegarder certes l'information contenue sur le support papier, mais aussi le support lui-même qui contient des indices riches d'enseignements pour le chercheur.

 

La deuxième partie était consacrée à l'univers du papier : d'abord, un vaste (mais rapide) panorama de sa naissance dans la Chine ancienne à son usage diversifié dans la société actuelle montre le long chemin qu'a parcouru ce support pour s'imposer dans le monde entier. Transmis d'une civilisation à une autre au fil des siècles, c'est aujourd'hui un médium à son apogée. Va-t-on désormais vers un "monde sans papier" avec l'arrivée des nouvelles technologies ? A l'étude des données chiffrées de la production papetière, le papier est loin de disparaître, bien au contraire. La bureautique lui a permis de se développer à une nouvelle échelle, et les nouvelles technologies de trouver d'autres débouchés "parce qu'il faut toutes sortes de papiers pour faire un monde". L'aspect industriel (fabrication du papier) et l'aspect économique de la production papetière plaident en faveur de la nouvelle vie du papier déclaré support écologique par excellence. Information utile au conservateur, les critères de sélection d'un papier d'édition sont une manière de répondre à la demande d'employer systématiquement le papier permanent, emploi qui ne se justifie pas pour toutes les éditions. Pour en finir avec le binôme papier-livre, un débat entre un éditeur et un informaticien laisse entrevoir ce que pourrait devenir l'édition demain, un monde sur réseau sans intermédiaire autre qu'un ordinateur et quelques accessoires entre l'auteur et le lecteur.

 

Enfin la troisième partie a évoqué sous différents aspects la rivalité entre les médias papier et les réseaux informatiques. En ce qui concerne les échanges monétaires, l'usage des cartes bancaires prime et la France dans ce domaine précis est plutôt en avance sur le plan européen, l'usage du papier monnaie étant en régression ; au contraire, dans la publicité, dans la presse, dans le monde scientifique, Internet et l'édition papier auraient plutôt tendance à se compléter, le papier entretenant une relation subtile avec la permanence et le définitif alors que le réseau propose des produits éphémères mais interactifs.

 

Ce colloque sur les papiers modernes a été organisé conjointement par les Cahiers de médiologie et la Bibliothèque nationale de France et a fait l'objet d'un numéro spécial des Cahiers de médiologie (n°4).

 

Christelle Quillet