Dépoussiérage

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Dépoussiérage mode d'emploi

in Actualités de la conservation, n° 4, juillet 1997

Le dépoussiérage fait partie des opérations de maintenance légère qui s'inscrivent elles-mêmes dans la politique de conservation préventive des collections. Cette activité semble, certes, une évidence, comme l'est l'entretien ménager des locaux, mais elle est souvent négligée. Elle paraît en outre anodine, alors que les opérations de dépoussiérage peuvent être dommageables pour les collections, si elles sont effectuées avec des outils inadaptés et par des personnes non (in)formées.

C'est pourquoi les informations techniques de ce numéro des Actualités de la Conservation sont consacrées au dépoussiérage des collections et des locaux. Dans les prochains numéros d'autres articles seront consacrés au comportement des particules solides qui constituent la poussière et aux risques qui leur sont associés, à la filtration d'air et aux caractéristiques des aspirateurs à utiliser pour la maintenance des collections et des locaux.

Ce premier article fait le point sur les enjeux du dépoussiérage et définit les critères de choix d'un matériel adapté, thème qui sera davantage développé dans un prochain numéro.

 

Pourquoi dépoussiérer ?

Pour mettre en évidence l'intérêt du dépoussiérage, rappelons que la poussière qui nous environne comprend différents composants qui peuvent être regroupés en deux catégories :

  • les particules biologiquement inertes : débris minéraux et organiques divers (pollens, fragments de peau ou de tissu, sable, ciment, amiante, cendre, poussières de fer, de bois, de charbon, particules ayant fixé et transportant des polluants atmosphériques...),
  • les particules potentiellement actives sur le plan biologique : petits organismes (oeufs d'insectes) et micro-organismes (virus, bactéries, levures et moisissures véhiculés en général par des particules inertes sur lesquelles ils se fixent).

Ces organismes deviennent actifs s'ils rencontrent des conditions propices à leur développement : présence d'un substrat nutritif hygroscopique (matériaux constitutifs des objets par exemple) et environnement climatique favorable.

La présence de poussière ajoutée à d'autres facteurs, en particulier les facteurs climatiques, démultiplie les risques de contamination (par micro-organismes) et d'infestation (par insectes et rongeurs) encourus par les collections. De sorte qu'une combinaison de chaleur, d'humidité et de saleté, dans un lieu obscur où l'air stagne, crée un milieu propice au développement rapide des moisissures et à la prolifération d'insectes se nourrissant de papier, de colle, de bois, de cuir, de textile....

Les risques liés à la présence de poussière sur les collections sont les suivants :

  • salissures (notamment les poussières grasses, qui s'incrustent),
  • abrasion des surfaces (sable, ciment, plâtre),
  • attaques chimiques (acidité des particules chargées de polluants accélérant la dégradation endogène du papier par exemple; particules métalliques catalysant les réactions de dégradation),
  • attaques biologiques (transformation des matières organiques par des organismes vivants).

A cela s'ajoutent l'inconfort de l'usager, manipulant des documents sales et maculés, voire la nocivité de la poussière (poussière d'amiante, particules allergènes...).

Dépoussiérer apparaît donc non seulement comme un élément de maintenance des collections, mais encore comme un acte d'hygiène et de prévention.

 

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Que dépoussiérer ?

Le dépoussiérage s'attache à plusieurs aspects :

  • entretien des œuvres et des objets (livres, documents d'archives, objets d'art et d'artisanat divers) et de leurs contenants protecteurs éventuels. Soulignons à ce propos l'utilité d'un contenant direct, telle une boîte de conservation, protégeant l'objet de la couche de poussière;
  • maintenance du mobilier : vitrines, étagères, armoires, plans de travail...;
  • propreté des locaux : magasins et réserves, salles d'exposition, salles de consultation, ateliers de restauration, etc.

Quand dépoussiérer ?

  • fréquemment et régulièrement bien sûr, puisqu'il s'agit d'une activité préventive,
  • ponctuellement en cas d'urgence particulière (travaux dans le bâtiment ayant entraîné un empoussièrement excessif...).

 

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Comment dépoussiérer ?

Soulignons quelques principes simples à suivre :

  • Objets et mobilier seront dépoussiérés indépendamment. Les objets seront ôtés des étagères, puis dépoussiérés sur des plans de travail, avant d'être remis en place sur des étagères elles-mêmes nettoyées.
  • Des documents sales, provenant par exemple d'un ensemble reçu en donation, ne seront pas disposés sur des étagères propres, aux côtés de documents propres. Ils seront au contraire placés dans un local spécifique, isolé des aires de stockage, et dépoussiérés, voire désinfectés si nécessaire.
  • Le dépoussiérage est un travail de fond. Il ne suffit pas d'éliminer ce qui est visible uniquement en surface. Les recoins difficiles d'accès, où la poussière s'accumule, ne seront pas oubliés. Et l'on n'hésitera pas à sortir les objets de leurs armoires et tiroirs, en prenant toutes les précautions nécessaires à cette manipulation. Cette opération peut alors être l'occasion d'effectuer un constat d'état des collections, permettant de déceler la présence de déjections d'insectes ou de rongeurs, ou un début d'attaque microbienne...
  • Des précautions spécifiques seront prises pour traiter les objets eux-mêmes, par rapport aux éléments de mobilier et aux locaux : mode de dépoussiérage adapté à la pièce et à son degré de fragilité; port de gants de coton; présence d'un plan de travail à proximité; prévision et dégagement du trajet entre l'étagère et la table de dépoussiérage, etc.

Ce travail devra être réservé à des personnes sensibilisées à la vulnérabilité des documents et des œuvres et formées à leur manipulation adéquate, tels des magasiniers dans le cadre d'une bibliothèque. Au besoin, un encadrement ou des démonstrations par des techniciens-restaurateurs peuvent être prévus.

Ces opérations doivent ainsi être distinctes de l'entretien ménager courant.

  • Enfin la protection physique du personnel prévaut, avec le port de masques d'hygiène, de gants en coton ou en latex, de blouses...

 

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Avec quels moyens ?

Evoquons à présent les types d'actions possibles et les outils qui leur sont liés.

  • En amont du dépoussiérage :
    filtrer l'air : le colmatage des ouvertures et interstices, ainsi que l'installation d'un système de filtrage de l'air extérieur permettent de limiter la pénétration des poussières.
    Un tel système, souvent couplé avec un conditionnement de l'air, représente un équipement et un budget conséquents.
  • Une fois la poussière présente :
    il faut éviter d'épousseter et de balayer, pour ne pas disperser la poussière. Toutefois, à défaut de disposer d'un équipement correct ou du budget permettant de l'acquérir, il est préférable, plutôt que de s'abstenir, de balayer le sol, d'essuyer les étagères avec des chiffons légèrement humides ou antistatiques et de nettoyer les objets à l'aide de pinceaux, brosses douces ou chiffons de coton secs. Cette opération doit être réalisée obligatoirement dans un local autre que le magasin.
    aspirer : l'usage d'un aspirateur est à préconiser, puisqu'il retient la poussière sans la répandre. Il faut cependant employer un matériel adapté, qui ne va ni rejeter une partie des particules (d'où la nécessité d'un système de filtration performant), ni endommager les objets, à cause d'une succion trop puissante et incontrôlable entraînant la disparition de morceaux du document et sa mutilation. Les personnes employant cet outil devront être conscientes du risque qu'il peut représenter.

 

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Critères de choix d'un aspirateur

Différents critères doivent être pris en considération lors de l'acquisition d'un matériel d'aspiration. Les critères primordiaux ayant trait à l'hygiène et à la sécurité des collections sont :

  • les filtres : pour éviter la redispersion des poussières, notamment celles actives biologiquement. Pour protéger à la fois l'utilisateur et les collections, il est important de pouvoir adjoindre aux différents niveaux de filtre de l'appareil (sacs, filtre moteur...) un filtre dit "absolu", utilisé notamment dans le milieu médical.
  • la puissance d'aspiration : il faut une puissance de succion à la fois suffisante pour l'entretien des locaux et du mobilier, et modulable pour une adaptation au dépoussiérage direct des objets, en toute sécurité. Cependant, si cela est possible, il paraît préférable d'acquérir deux types d'appareils, l'un destiné spécifiquement au travail sur les collections, l'autre au dépoussiérage des locaux, chacun avec des capacités d'aspiration en adéquation avec leur spécialisation.
  • les accessoires : il faut pouvoir disposer d'un large éventail d'accessoires à la fois pratique et sécurisant : portiques ou potences pour supporter les tuyaux et travailler avec précision; tuyaux de différents diamètres et munis de réducteurs d'air, permettant de moduler la puissance d'aspiration; embouts aux formes adaptées aux surfaces, aux éléments de mobilier et aux objets (brosses douces, buses fines et souples en caoutchouc pouvant être retaillées et ne risquant pas d'endommager les objets).

D'autres critères au caractère davantage pratique sont :

  • l'entretien et la maintenance du matériel : il est préférable de choisir un matériel de type professionnel, de privilégier une marque reconnue, garantissant un suivi à long terme de la maintenance et des consommables (filtres, sacs, accessoires...),
  • la fonctionnalité : la flexibilité du tuyau, la mobilité, la légèreté, l'encombrement de l'appareil sont autant de critères auxquels il faut penser,
  • le caractère silencieux : pour le confort de l'utilisateur et des personnes travaillant dans les mêmes locaux il s'agit de respecter les normes concernant les nuisances sonores.

Un dépoussiérage régulier et bien mené, élément indispensable de l'entretien des collections, contribue donc à limiter notamment les risques de contamination biologique, sans toutefois les éliminer totalement. Un dépoussiérage doit être obligatoirement associé à d'autres mesures préventives, comme un contrôle des conditions environnementales, un assainissement de l'air, etc. Ceci afin d'éviter des interventions curatives lourdes et coûteuses à mettre en œuvre (désinfection, désinsectisation, gommage, nettoyage approfondi...) sur des collections parfois gravement endommagées et déjà très fragilisées.

 

 

L'article Quelques notions de base sur les caractéristiques des particules solides (n°5) fait suite à
celui-ci.

 

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Anne Marteyn
Marc Faucheux