Expertise micrographique des bois

in Actualités de la conservation, n° 2, janvier 1997

Nathalie Pingaud, technicienne de recherche au laboratoire du Service Restauration, a présenté le 6 novembre 1996 un mémoire intitulé : "Analyses micrographiques d'ais de reliures du XVe siècle sur des manuscrits italiens provenant de Pavie et de Naples", pour l'obtention du diplôme d'expert micrographe des bois, dans le cadre de la formation permanente de l'Université Pierre et Marie Curie (Paris-VI). A ce jour seules quinze personnes sont titulaires de ce diplôme, créé il y a une vingtaine d'années. Le jury était composé de J.-C. Koeniguer, maître de conférence à Paris-VI, C. Prive-Gill, maître de conférence à Paris-VI et M.-P. Laffitte, conservateur général à la Bibliothèque nationale de France (DCS, Mss occidentaux).

Cette étude s'inscrit dans le programme sur l'élaboration technique du livre lancé conjointement en 1990 par la Direction technique et le Département des manuscrits. Placé sous la responsabilité d'Astrid Brandt et de Marie-Pierre Laffitte, ce programme a pour but d'améliorer la connaissance des matériaux et des techniques employés pour la confection du livre médiéval.

Si ce n'est en dendrochronologie, les ais de reliure n'avaient jamais fait l'objet d'étude micrographique, sauf ponctuellement lors de restauration.

L'étude a porté sur un fonds homogène de reliures datant de la même époque et ayant eu un parcours historique identique. Il s'agit des manuscrits appartenant à la bibliothèque des rois aragonais rapportés de Naples en 1495 par Charles VIII et des manuscrits de la bibliothèque des Visconti et des Sforza pris à Pavie vers 1499 par les agents de Louis XII, tous rassemblés dans la librairie royale de Blois jusqu'en 1544 avant leur transfert parisien. Sur les 102 manuscrits de Naples qui ont conservé leur reliure de cuir, le plus souvent estampée à froid, 20 seulement ont été analysés (car pour certains les ais n'étaient pas en bois et pour d'autres l'essence était reconnaissable à l'oeil nu). Quant aux 323 reliures des manuscrits de Pavie, 240 étaient couvertes de velours, 83 de cuir, sans décor. Seules 16 reliures en cuir et 65 reliures en velours possédaient des ais de bois. Respectivement 15 et 64 d'entre elles ont été analysées.

Les prélèvements d'échantillons, de l'ordre du micron ou du millimètre, indispensables pour l'identification de l'essence, ont toujours été effectués à des endroits les plus imperceptibles possibles. Le décollage de la couvrure par un restaurateur a quelquefois été nécessaire. Les examens ont été réalisés à l'oeil nu, à la loupe binoculaire, au microscope optique et parfois au microscope électronique à balayage.

Les ais, presque toujours orientés dans le sens du fil du bois, par souci de solidité et volonté d'utiliser la tendance naturelle à la cambrure du bois dans le sens désiré, présentent les différents plans ligneux comme suit :

Sur 99 livres étudiés, 6 essences ont été observées, dont deux particulièrement fréquentes :

Ce mémoire, qui a su allier rigueur dans le panel et méthode conservatrice de prélèvement des échantillons, a abouti à un exposé clair de l'ensemble des données. Il ouvre le champ à d'autres études, qui permettront par exemple d'établir des relations entre les essences des ais et ce qui se rapporte à la fabrication du livre - format des reliures, nature des feuillets, date et lieu -, sans oublier le contexte économique de l'époque.

 

Simone Breton-Gravereau