Désacidification

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Désacidification - renforcement de masse des papiers

in Actualités de la conservation, n° 2, janvier 1997

Le programme de recherche & développement sur la désacidification et le renforcement de masse des papiers acides et fragilisés des XIXe et XXe siècles est un des programmes les plus importants actuellement en cours à la BnF.

Le problème posé

Le papier d'impression et d'écriture fabriqué industriellement à partir de la seconde moitié du XIXe siècle conserve une acidité qui, peu à peu, le fragilise et entraîne sa dégradation. Une enquête réalisée à la Bibliothèque Nationale en 1990 sur un échantillon de livres imprimés et de périodiques a conclu qu'environ 2,6 millions de volumes imprimés et de périodiques nécessitent un traitement urgent. L'Etablissement public de la Bibliothèque de France (EPBF) a fait réaliser en 1991/92 une étude complémentaire portant sur l'état physique des fonds dans les bibliothèques universitaires et municipales françaises. Cette étude a évalué le nombre de livres à traiter à environ 11 millions.

 

Les solutions existantes

Pour maîtriser la quantité importante de documents dégradés, des procédés de masse - permettant de désacidifier rapidement les livres sans les dérelier au préalable - se sont développés. Ces procédés sont tous basés sur l'imprégnation du papier par un produit actif alcalin rémanent, apporté par un vecteur fluide qui peut être liquide ou gazeux. Trois bibliothèques sont actuellement équipées d'une installation de désacidification de masse d'une capacité plus ou moins importante (entre 15.000 et 120.000 livres/an). Il s'agit de la Bibliothèque nationale du Canada (depuis 1981), de la Bibliothèque nationale de France (depuis 1987) et de la Deutsche Bibliothek (depuis 1994). Le processus de dégradation des papiers peut ainsi être ralenti, mais les papiers traités restent fragiles. Pour les renforcer on utilise actuellement des procédés semi-mécanisés - par thermocollage ou clivage qui nécessitent cependant le déreliage préalable des livres.

 

Les premières recherches
réalisées par l'EPBF, USSI/CEA et SFH

Une convention tripartite, basée sur l'autofinancement des recherches par chaque partie, a été signée le 30 janvier 1991 entre l'Etablissement public de la Bibliothèque de France (EPBF) et les sociétés USSI-Ingéniérie et Société Française Hoechst (SFH). L'objectif était la mise au point d'un procédé d'imprégnation des papiers utilisant un fluide à l'état supercritique et un produit désacidifiant et renforçant. Les travaux réalisés dans le cadre de cette convention ont conduit au dépôt d'un brevet par le Commissariat à l'Energie Atomique (CEA) qui a réalisé les travaux à la demande d'USSI.

A la suite de la restructuration de la société USSI, et faute de financement spécifique, les recherches n'ont pas été poursuivies et la convention a été résiliée d'un commun accord en février 1993. L'EPBF a été libéré de ses engagements de confidentialité et d'exclusivité vis-à-vis d'USSI et de SFH pour poursuivre les recherches avec de nouveaux partenaires.

 

Poursuite des recherches avec
SEPAREX sur la base du brevet du CEA

La société SEPAREX, spécialisée dans les applications industrielles des fluides supercritiques, a acquis la licence exclusive du brevet détenu par le CEA et a obtenu une aide à l'innovation de l'ANVAR. En 1994 une nouvelle convention a été signée pour une durée de trois ans entre SEPAREX et la BnF. Cette convention prévoit la mise au point et le développement d'un nouveau procédé d'imprégnation des livres contenant des papiers acides et fragilisés, fondé sur l'utilisation d'un fluide supercritique comme vecteur (CO2) et de produits actifs à action désacidifiante et renforçante".

Le dioxyde de carbone est utilisé comme vecteur d'agents de désacidification et de renforcement et remplace avantageusement les solvants organiques utilisés actuellement, grâce à son innocuité, son faible coût et son inertie chimique.

Le programme de travail comprend deux phases successives : 1°) phase d'exploration et de faisabilité, 2°) phase d'optimisation, d'extrapolation et de démonstration.

Actuellement, la première phase est achevée. Il a pu être montré qu'il est possible de soumettre les papiers à plusieurs étapes successives de traitement : déshydratation et extraction de certains produits de dégradation du papier, désacidification et renforcement, suivis d'un traitement final qui élimine les agents chimiques en excès, ainsi que les odeurs. Le procédé, qui a fait l'objet d'un dépôt de brevet complémentaire par SEPAREX, permet une désacidification complète avec création d'une réserve alcaline ainsi qu'une amélioration des propriétés mécaniques des papiers.

La seconde phase qui est sur le point d'être engagée, devrait permettre d'optimiser ces premiers résultats et de démontrer la faisabilité sur pilote industriel. Pendant cette phase des études approfondies du comportement au vieillissement des polymères introduits dans les papiers vont être réalisées. De même, il est prévu de comparer les caractéristiques des papiers traités par le procédé SEPAREX à ceux traités par les autres procédés de désacidification existant actuellement.

Les travaux effectués dans le cadre de la convention sont évalués par un Comité scientifique, composé de cinq scientifiques français choisis dans les milieux du CNRS et des universités et de six représentants de l'administration française.

 

Perspectives

Dans la perspective d'une validation du nouveau procédé par la BnF, une installation industrielle devrait être construite pour le centre technique de la BnF à Marne-la-Vallée et mise en route avant le début de l'année 1999. Elle devrait traiter à terme 300 000 volumes par an dont 150 .000 pour les besoins de la BnF.

Les résultats obtenus pendant la première phase du programme vont être présentés lors des 3e journées d'études de l'ARSAG (Association pour la Recherche Scientifique sur les Arts Graphiques) qui se dérouleront du 21 au 25 avril 1997 à la BnF.

 

Astrid Brandt