Disque optique numérique

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Supports de sauvegarde des documents graphiques :
microformes ou disques optiques numériques ?

in Actualités de la conservation, n° 0, juillet 1996

L'apparition des techniques de numérisation a fait naître beaucoup d'espoir dans le domaine de la conservation. Applicables aux documents sonores comme aux documents graphiques, elles permettent de transmettre et de reproduire les données sans dégradation entre les diverses générations en régénérant le signal numérique à chaque recopie.

Il est séduisant de penser que les problèmes de conservation pouvaient se trouver résolus par l'association de ces technologies avec un nouveau type de support d'information, les disques optiques numériques (DON), dont la pérennité est indépendante du nombre d'utilisation.

Si la numérisation apparaît comme un excellent moyen de mise à disposition de l'information, les conditions ne semblent pas actuellement réunies pour considérer les disques optiques numériques comme un moyen de stockage à long terme.

 

La conservation des données

Les fabricants (Sony, Hitachi, etc.) annoncent pour leurs différents types de disques optiques numériques une durée maximale de vie de 50 ans.

L'absence de normalisation (pour tous les disques autres que ceux au format CD) est un problème important dans l'utilisation des disques optiques numériques. Lié à un type de disque ayant ses caractéristiques propres de formats et d'écriture et au matériel d'écriture/lecture adapté à son exploitation, le risque est grand de voir ce couple matériel/disque abandonné au profit d'un couple concurrent, dominant le marché et non compatible. On se trouve actuellement dans la même configuration que pour le marché de la vidéo (abandon des systèmes vidéo "V2000" et "Betamax" au profit du "VHS").

Dans l'avenir, la migration des données sur un nouveau type de support normalisé est toujours possible mais un nombre trop important d'images à transférer risque d'être un obstacle insurmontable en terme de charges pécuniaires et de temps.

D'autre part, la pérennité incertaine des sociétés qui fournissent de tels systèmes et réalisent les logiciels de gestion, d'acquisition, de diffusion et de restitution d'images rend encore plus aléatoire l'adoption de ce type de support à des fins de conservation.

La micrographie est une technologie balisée par un grand nombre de normes qui en régissent toutes les composantes (caractéristiques physiques des supports, taille et disposition des images, qualité d'enregistrement et de duplication, conditionnements, matériels de production et d'exploitation).

Les microformes, si elles sont fabriquées dans le respect des normes, se conservent sans problèmes au delà de 100 ans, dans des conditions normales de stockage (moins de 20°C et une hygrométrie de l'ordre de 50%).

 

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La qualité de reproduction

La meilleure définition de saisie utilisée actuellement dans un processus industriel de production d'images numérisées est de 16 points/mm (400 dpi - dot per inch). Cette définition est quelquefois gonflée à 600 dpi par une manipulation logicielle.

Les microformes ont une définition de plus de 24 points/mm (600 dpi).

Il faut noter que la dégradation due à la saisie (microforme ou numérique) d'une image est irréversible et que la qualité de l'enregistrement initial est primordiale pour les restitutions ultérieures.

 

Le coût de la saisie des documents

Le coût en personnel est du même ordre (une caméra de numérisation d'ouvrages reliés travaille au même rythme qu'une caméra microforme puisqu'il s'agit des mêmes presse-documents qui sont utilisés).

Le matériel de numérisation destiné à l'enregistrement de documents reliés est plus cher que celui de prise de vues microforme ( de l'ordre de 400 KF HT contre 200 KF HT). Le ou les appareils de prise de vues microforme doivent être complétés par un matériel de développement ( entre 50KF et 150KF HT ).

 

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Le coût des supports de stockage

Le coût d'une page A4, noir et blanc, enregistrée sur microfilm peut être estimé à 0,06 FF (1300 formats A4 sur un film 35 mm coûtant 96 F HT).

Le coût de stockage de cette même page, numérisée à deux niveaux (noir/blanc), représentant 50Ko en moyenne, stockée sur un CD-WORM est de l'ordre de 0,006 F (13 000 format A4 contenues sur un CD-WORM à 100 F HT). Si les différents niveaux de gris sont codés (cas de modelés continus), l'espace informatique nécessaire sera 8 fois plus important (codage des niveaux de gris sur 8 bits); s'il s'agit d'une image couleur, 24 fois plus important (3 couleurs codées chacune sur 8 bits). Le coût du stockage sera augmenté d'autant.

 

Le coût du matériel d'exploitation

Les appareils de lecture de microformes ont des prix qui varient entre 5 et 20 KF. De tels appareils ont une espérance de vie de l'ordre de 10 ans. La maintenance est quasi inexistante sur ces matériels.

Les postes de lecture des documents numérisés coûtent entre 50 et 100 KF suivant la définition de l'écran et les diverses cartes spécifiques utilisées (cartes de compression/décompression d'images, accélératrices d'écran, réseaux, etc.) L'espérance de vie de ces matériels est comprise entre 3 et 5 ans. Le coût annuel des maintenances logicielle et matérielle peut être raisonnablement estimé entre 10 et 15% du prix d'achat de chaque terminal.

 

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L'exploitation

L'exploitation des documents sous forme numérique est plus aisée par l'usager que celle des microformes.

On peut souligner les points suivants :

rapidité de mise à disposition du document (10 secondes au maximum pour un document sur disques optiques si la collection de disques est dans un juke-box - un juke-box coûte entre 200 et 2 000 KF selon le nombre et le type de DON contenus - plusieurs minutes pour les microformes).

facilité de diffusion par les réseaux locaux ou distants (si le demandeur est équipé); la diffusion des microformes se fait par duplication puis par transport du duplicata vers le demandeur;

possibilité de "lecture intelligente" après passage de logiciels de reconnaissance optique de caractères (recherche syntaxique, recherche d'occurrence de termes, annotation, etc.).

Notons que les deux derniers points sont parfaitement possibles après numérisation de la microforme. Dans ce cas la qualité de numérisation obtenue est légèrement inférieure à celle obtenue par numérisation directe du document original.

 

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Conclusions

Le support micrographique est à l'heure actuelle le support qui garantit la meilleure qualité de reproduction et la plus grande sécurité de conservation des documents graphiques dans le temps. Si on intègre les coûts relatifs à la totalité d'une application , les microformes marquent leur avantage vis à vis des documents numérisés.

Présentant toutes les garanties de conservation pour un prix compétitif, la micrographie reste aujourd'hui le support d'archivage à long terme à privilégier pour les archives et les bibliothèques.

Il est néanmoins envisageable de recourir à la numérisation pour des corpus de textes restreints et cohérents faisant l'objet de nombreuses demandes. Sur ces corpus, l'automatisation de la communication réduit les temps et les coûts de mise à disposition des images des documents.

Ces analyses sont partagées par beaucoup de centres d'archives et de bibliothèques de par le monde.

Il semblerait que certaines sociétés nord-américaines et européennes, arguant du faible retour sur investissement apporté par la technologie numérique pour le stockage, seraient en train d'abandonner le stockage numérique pour revenir à un stockage micrographique, la numérisation à la demande (des microformes) étant alors utilisée pour la modification des données stockées et la diffusion sur les réseaux.

Cette analyse s'appuie sur des informations recueillies lors de la fréquentation régulière de divers congrès, expositions, réunions de travail ou de visites. Parmi ceux-ci : International micrographic Congress (IMC) ; Association for information and image management (AIIM) ; Stage international d'archives (Direction des archives de France) ; Réunions ISO TC171 (Imagerie documentaire) ; Centre d'archives du Baden-Württemberg, Ludwisburg.

 

 

Bernard Fages