C'est simple, il y a trois façons de répondre à cette question, lesquelles révèlent chacune une sensibilité spécifique, une manière d'être au monde. La première consiste à faire un choix tranché, en abandonnant le dessert au profit du fromage (ou l'inverse). La seconde consiste à refuser de choisir, en optant pour les deux, fromage et dessert, ou en se privant des deux, couic, nada, rien du tout. La troisième, plus singulière, est la solution adoptée par l'écrivain François Caradec. Dans l'œuvre de ce membre de l'Oulipo et du Collège de Pataphysique, à côté de plusieurs biographies de référence comme celles d'Alfred Jarry, de Raymond Roussel, d'Alphonse Allais ou encore de Jane Avril, on trouve en effet un texte d'une demi-douzaine de pages, intitulé Fromage ou dessert ?
Publié en 1987 dans le numéro 37 de la Bibliothèque oulipienne (et conservé dans les archives du fonds Oulipo), ce texte explore l'hypothèse suivante, exposée en préambule : « Peut-être, si l'on réunissait toutes les phrases interrogatives, toutes les questions posées de par le monde, depuis que le monde est monde, finirait-on par entendre une réponse ? » Le titre « Fromage ou dessert ? » constitue ainsi la première d'une série vertigineuse de questions qui vont des plus triviales (« T'as vu l'heure ? », « Où sont passées mes pantoufles ? », « Allô ? ») aux plus existentielles (« Grand Dieu, pourquoi suis-je moi ? », « Qui nous guérira de vivre ? »), en passant par des allusions aux classiques de la littérature (« Las, où est maintenant ce mépris de fortune ? », « Doukipudonktan ? »). « Fromage ou dessert ? », mère de toutes les questions, ouvre ainsi la voie à une expérience philosophique intense dont vous vous souviendrez la prochaine fois que vous aurez en main la carte du menu de midi à 15,90 €.
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