Cela fait bientôt deux semaines que vous avez les yeux rivés sur le fil d'info des sites d'actualité. Pour décrocher momentanément, La Pause BnF vous offre une plongée dans la presse d'il y a pile 100 ans, à travers les éditions du 22 juin 1924 des journaux en ligne dans Gallica. Les élections législatives de mai 1924 viennent de porter au pouvoir la coalition du Cartel des gauches, Paris se prépare à accueillir les Jeux olympiques d'été et Raymond Radiguet s'apprête à publier Le Bal du Comte d'Orgel. Les Unes du jour font la part belle aux répercussions de l'assassinat du socialiste italien Giacomo Matteotti - moment de bascule dans l'histoire de l'Italie fasciste auquel RetroNews a consacré un épisode du podcast Séries noires à la Une. Aux côtés des articles sur les soubresauts politiques de l'époque, on trouve le récit de l'agression de la princesse Ouroussoff par un homme armé d'un « savon en forme de citron » : la Dépêche républicaine de Franche-Comté revient sur cette étonnante affaire dont la résolution fait intervenir un mécanicien et un ancien champion de boxe devenu directeur de garage. Peut-être préférerez-vous lire les entrefilets annonçant l'arrivée par avion de 1 600 pigeons voyageurs en provenance de Bruxelles ou la vente d'une tortue géante de 500 kg aux Halles. À moins que vous ne vous contentiez de zoomer sur les encarts publicitaires qui émaillent les pages des quotidiens : la Cuscutine Foulon, qui soulage les maux intestinaux, y côtoie la casquette La Torpedo (« la coiffure des gens chics ») et les moteurs Lutetia qui « s'adaptent en quelques instants sur toutes les bicyclettes ». Car en ce 22 juin 1924, le vélo est partout. La presse rend compte du Grand Prix de Paris, du Championnat de France des 100 kilomètres et même de la course cycliste des humoristes dont le départ est donné par l'écrivain Tristan Bernard. Mais c'est le Tour de France, dont les 157 coureurs ont entamé le matin même la première étape, qui a l'honneur des gros titres. Envoyé spécial du Petit Parisien, Albert Londres suit le peloton dans sa Renault. Il livrera au journal des pages marquantes, dont celles qui racontent l'abandon des frères Pélissier, vibrante dénonciation du règlement de ce « tour de souffrance ». De bicyclette, il est aussi question dans Le Figaro, sous la plume de Colette qui y tient alors une chronique intitulée « L'opinion d'une femme ». On vous laisse découvrir ce texte énigmatique dans lequel l'autrice, évoquant les sortilèges à l'œuvre dans les objets maudits et les maisons hantées, livre un mode d'emploi pour lutter contre les vampires : « Un sursaut d'énergie peut vous sauver, en admettant que le vampire, inquiet de sa durée propre, ne déserte pas de lui-même votre veine tarissante. Mais vous mesurerez à votre effort la taille de votre ennemi, sa fonction de ventouse, le piège affreux de sa vacuité où vous précipitiez, aveugle, le meilleur de vous-même. » Ça peut toujours servir. |
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